Quand on est perdu, quels contours cherche-t-on à atteindre, quelles formes aident à trouver son chemin ? Les cartes scolaires imprimées en France entre la fin des années 1800 et les années 1960 fonctionnaient comme un type particulier de carte. Leur rôle n’était pas de guider des touristes vers la route principale, mais plutôt d’enseigner aux jeunes élèves la géographie, l’histoire et la culture. Les formes de lettres utilisées reflètent cette intention; la construction des caractères est naïve mais charmante, avec des descendantes élaborées, parfois ornés de plusieurs couches, y compris des ombres ou des contours. Ils apparaissent dans une gamme de graisses et de styles qui font remonter à la surface la main du lettreur. Le but de ces cartes n’était pas de permettre à un lecteur de trouver quelque chose rapidement, mais de permettre aux élèves de se perdre en elles, sur une longue période. À une époque où les écrans et les défilements sans fin n’existaient pas, les quelques cartes et affiches qui décoraient le mur se devaient d’interpeller périodiquement les élèves – et ce tout au long de l’année. 

La plus ancienne référence à ce style de lettre contraste toutefois avec cette utilisation. Le Service Géographique de l’Armée a publié en 1934 un manuel intitulé : Les écritures sur les cartes topographiques. Ce manuel comprend un modèle de 1905 dont on peut clairement relier les formes au lettrage utilisé dans les cartes scolaires, mais les excentricités de ces formes ne semblent plus à leur place dans une opération militaire – a-t-on jamais vu un « y » aussi mignon? Il est probable que les personnes employées pour créer ces manuels avaient une formation d’ingénieur ou de topographe – et non de typographie ou de lettrage – mais nous pouvons retrouver des traces claires de ce modèle dans les Cartes Michelin produites jusque dans les années 1970. Même si les formes étaient excentriques, et développées pour des procédés obsolètes, elles se sont imposées dans ce genre pendant près d’un siècle. L’objectif de ma recherche est de retrouver l’origine de ces formes de lettres et de retracer la généalogie de ces caractères, en étudiant les imprimés de cette époque, des manuels de lettrage, ainsi que des caractères typographiques en usage.