Recherche, typographie: points de vues et perspectives

Thomas Huot-Marchand & Alice Savoie 2014

Recherche, typographie: points de vues et perspectives

Cette contribution propose une épistémologie de la recherche en typographie telle qu’elle se conçoit à l’Atelier National de Recherche Typographique (ANRT), en distinguant trois modèles où la typographie est tour à tour le sujet, le moyen ou l’objet de la recherche. Trois points de vues différents, en somme, qui offrent des perspectives complémentaires.

Texte publié dans Eigengrau, édité par Alexandru Balgiu, Thierry Chancogne et Étienne Hervy, Olivier Lebrun dans le cadre du 25e Festival International de l’affiche et du graphisme de Chaumont.

Quand commence la recherche?

La reconnaissance récente du DNSEP au grade de Master a inscrit les écoles supérieures d’art françaises dans le schéma LMD, correspondant pour les deux premières étapes à la phase dite «programme» (sanctionnée par un diplôme de 3e année, DNAT ou DNAP) puis à la phase «projet» (menant au DNSEP, en 5e année). Cette phase «projet», dans laquelle la rédaction d’un mémoire accompagne la production graphique, est l’occasion pour l’étudiant de se confronter à une dynamique de recherche. L’encadrement pédagogique, qui vise en premier lieu le développement de la production individuelle de l’étudiant, installe progressivement des exigences en terme de positionnement critique, d’ancrage historique et théorique, et de formalisation des références. À l’instar des formations universitaires,les écoles supérieures d’art intensifient donc progressivement la place de la recherche dans le cursus en phase programme (L) et projet (M); par conséquent, la phase «recherche» (le D) se développe pleinement après le master, en 3e cycle. Ce chapitre est en train de s’écrire: des formations existent, mais leur cadre académique n’est pas encore défini. Ce retard, lié à la singularité du modèle français (les écoles supérieures d’art relevant du Ministère de la Culture et de la Communication, et non de l’Université), peut être l’opportunité d’établir un cadre prospectif et émancipateur à la recherche, en ménageant un échange fertile entre théorie et pratique.

La recherche en école d’art

Afin d’établir ce cadre, il convient avant tout de bien distinguer les modalités de la recherche en 3e cycle de celles observées au niveau master. Alors que jusqu’au DNSEP, l’étudiant aborde des problématiques de recherche de manière essentiellement empirique, c’est à dire en s’appuyant sur une expérience qu’il construit au fur et à mesure de son apprentissage et de ses explorations formelles, une recherche de 3e cycle nécessite une réflexion en amont sur les méthodologies qui seront adoptées tout au long du projet. Elle requiert de l’étudiant-chercheur qu’il structure et argumente son positionnement au sein d’un domaine de recherche, qu’il définisse le champ de son intervention, et qu’il réévalue ce positionnement au fil de ses avancées et de ses découvertes. Le développement d’une posture critique et épistémologique est également attendu, à la fois dans le but d’évaluer la pertinence des travaux de recherche existants, et dans celui d’affirmer ou de remettre en question la validité de son propre travail. De plus, la recherche de 3e cycle ne peut pas se contenter de nourrir la seule pratique personnelle de celui qui la conduit, mais doit être menée dans le but d’apporter une contribution à la communauté au sens large. Elle doit avoir pour objectif la production de connaissances nouvelles qui soient en capacité de contribuer aux savoirs collectifs, et qui viennent enrichir un corpus de connaissances en constante évolution. Dans cette perspective, une mise en partage doit inévitablement succéder à la constitution des savoirs, en passant par la publication (orale, écrite, ou autre) et l’investigation de plateformes d’échange avec la communauté qui permettra de soumettre le résultat de la recherche au regard et à l’évaluation des pairs. Les critères précédents, gages de rigueur et de légitimité scientifiques, pourraient laisser croire à une application intégrale des méthodes universitaires; il va de soi que la recherche en école d’art s’en distingue à plusieurs niveaux, que la «Charte nationale de la recherche en école d’art» (éditée par l’Andéa en octobre 2012) définit ainsi :

« — [la recherche en art] n’a pas obligatoirement de pré-requis techniques et technologiques. Mais elle sait donner à voir ses méthodes, ses protocoles, ses expériences, et sait en vérifier la pertinence, les questionner et les repenser.

— Elle reconnaît au sensible, à l’intuition, au sauvage, une immense capacité prospective—et en cela, comme toute activité créative, ne sépare jamais l’intelligible du sensible à quelque moment que ce soit de la chaîne de l’activité (du temps de production jusqu’au temps de la mise en partage de ce qui est produit.)

— Elle puise en dehors de son champ propre une grande partie de ses ressources—et comme l’art, elle est un agencement d’éléments en provenance de la totalité des activités et des données du monde.

— Elle assume un rapport à l’histoire peu linéaire, et bien que capitalisant les formes et les idées du passé, connaissant les autres recherches déjà menées […] pour pouvoir y ajouter de l’inédit, elle ne présume d’aucun progrès: comme l’art, elle aide simplement l’homme à ‹être au monde›, dans toutes les dimensions que sous-tend cette expression.»

Il est clair que la recherche telle qu’elle se pratique (et est de plus en plus amenée à se pratiquer) en écoles d’art n’aspire pas à imiter ou à concurrencer les méthodes universitaires, mais doit au contraire asseoir la spécificité de ses enseignements au sein de travaux de recherche prospectifs, alliant des considérations théoriques à un travail de création.

Spécificités du champ typographique

Notons également en préambule que la typographie occupe une place singulière dans le champ du design: elle est à la fois l’outil et le terrain du design graphique. Le dessin de caractères, par exemple, s’apparente souvent à une forme de pratique fondamentale, les caractères typographiques constituant en quelque sorte l’une des «matières premières» du langage graphique. Il n’est pas rare que cette pratique soit envisagée hors du contexte de la commande. Sa temporalité est différente: c’est une création qui se réalise dans d’autres créations (le texte, l’environnement graphique…) et se réactive en permanence à leur contact. Cette versatilité stimule de multiples interactions avec d’autres disciplines. Sa valeur d’usage, enfin, peut dépasser le cadre du design, et concerner un large public. Ces spécificités ouvrent de nombreuses pistes de recherche, et soulèvent la question centrale du point de vue adopté par le chercheur. Selon le point de vue, en effet, les perspectives changent, et orientent nécessairement le lien entre recherche et pratique. Tentons ici de dresser quelques modèles. Prenant comme point de départ la typologie énoncée par Christopher Frayling, plus récemment réinterprétée par Alain Findeli dans le cadre de ses travaux sur la recherche en design à l’université, ce texte propose de déplacer le propos de ces théoriciens de l’art et du design vers le champ de la typographie et celui de la recherche en école d’art, afin de proposer trois approches possibles: la recherche sur la typographie, la recherche parla typographie, et la recherche pour la typographie.

La recherche sur la typographie

Ce modèle propose de s’appuyer sur les méthodologies et les outils théoriques préalablement développés au sein d’autres disciplines, afin de mener une recherche sur la typographie. Celle-ci devient alors le sujet d’un travail d’étude qui s’accomplit dans un cadre extérieur, résultant le plus souvent dans la production d’un texte. Cette approche est propice à la constitution de corpus théoriques, critiques ou historiques de référence, en prise directe avec de nombreuses disciplines: l’histoire bien entendu, mais également la sémiologie, la linguistique, la paléographie, etc.

La constitution de telles études est certes essentielle, mais rend l’intégration d’un travail plastique moins évidente. Le modèle des visual studies, qui aménage dans une lecture historique une approche par la forme, peut par exemple fournir un cadre méthodologique favorable à l’intégration du design graphique et de la typographie au sein d’une analyse critique des effets de certaines pratiques sur notre culture visuelle. Cette orientation sous-tendrait cependant de distancier la recherche des problématiques habituellement abordées par les praticiens, comme l’expliquait Rick Poynor dans son texte «Out of the studio» : «A view of graphic design history that sees it as being only, or even primarily, for the purpose of educating graphic designers and that seeks to confine it to the design studio will continue to restrict the development of the subject […]. If graphic design is a truly significant cultural, social, and economic force, then it has the potential to be a subject of wider academic (and public) interest, but it will need to be framed and presented in ways that relate to the concerns of viewers who are not designers—that is, to most viewers.» Dans le contexte qui nous intéresse ici, l’un des enjeux pour les écoles d’art serait de proposer des approches innovantes qui permettraient de nourrir une recherche sur la typographie par la création deformes. Quelques précédents, qui allient une recherche historique à une production typographique, ont déjà démontré la viabilité de ce type de rencontres. Citons ici le travail entrepris depuis plusieurs années par le néerlandais Fred Smeijers, qui étudie sous une forme très pratique les processus mis en place dans la production de caractères typographiques à travers l’histoire: pour son ouvrage de référence Counterpunch, Smeijers s’est ainsi adonné lui-même à la gravure de poinçons dans le but de comprendre quelle méthodes de gravure étaient les plus susceptibles d’avoir été adoptées. Smeijers entreprend aujourd’hui des recherches similaires au Musée Plantin-Moretus d’Anvers, sur la question cette fois-ci des systèmes d’unité utilisés pour concevoir les approches des caractères en plomb. Sa collaboration avec Eric Kindel sur les lettres ajourées a donné lieu à la production de plusieurs caractères typographiques et à une exposition à la galerie Catapult à Anvers en 2012, où là encore était proposée une exploration de pratiques historiques par le biais d’une production sensible. Notons que la récréation numérique de ces formes typographiques anciennes est aussi un moyen efficace de disséminer les résultats de la recherche. En ce sens, les travaux de recherche de Smeijers et Kindel se veulent véritablement «expérimentaux» au sens où les scientifiques l’entendent, à savoir en tant que mise en œuvre d’un protocole ayant pour but de valider ou d’invalider une hypothèse fondée sur l’observation. Le terme «expérimental», comme le souligne Peter Biľak, recouvre en effet des acceptions fort diverses: «Very few terms have been used so habitually and carelessly as the word ‹experiment›. In the field of graphic design and typography, experiment as a noun has been used to signify anything new, unconventional, defying easy categorization, or confounding expectations. […] In a scientific context, an experiment is a test of an idea; a set of actions performed to prove or disprove a hypothesis. Experimentation in this sense is an empirical approach to knowledge that lays a foundation upon which others can build. It requires all measurements to be made objectively under controlled conditions, which allows the procedure to be repeated by others, thus proving that a phenomenon occurs after a certain action, and that the phenomenon does not occur in the absence of the action.» L’approche «expérimentale», argument passe-partout dont se revendiquent si fréquemment les étudiants en écoles d’art, mériterait d’être envisagée sous un jour nouveau et aurait beaucoup à gagner des modèles qui ont pu être développées dans d’autres disciplines.

La recherche par la typographie

Cette approche propose d’envisager la typographie non pas en tant que sujet d’étude, mais comme l’un des moyens de la recherche. Dans ce cadre, la recherche en typographie réagit aux besoins rencontrés par une communauté de chercheurs dans d’autres domaines et ne disposant pas d’outils typographiques adéquats, afin de stimuler des productions innovantes et utiles. Le projet FEW, mené cette année à l’ANRT par la stagiaire Sarah Kremer en partenariat avec l’ATILF, est un excellent exemple du rôle que peut endosser la typographie au sein de ce modèle de recherche: initié en 1922 par Walther von Wartburg, le Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW) tente de retracer de manière exhaustive la génétique des lexiques français, dialectes d’oïl, franco-provençal, occitan et gascon. Au sein du laboratoire ATILF du CNRS, à Nancy, le contenu de ce dictionnaire fait toujours l’objet, aujourd’hui, de révisions et d’enrichissement de son contenu. Afin de permettre une meilleure accessibilité à cet ouvrage de référence, les 16 volumes (près de 40 000 pages) du dictionnaire sont en cours de numérisation. C’est dans ce cadre qu’est envisagé le dessin d’une famille de caractères adaptée à la composition du FEW. Aux particularités typographiques relatives à la lexicographie (lisibilité du dictionnaire, efficacité, hiérarchisation de l’information…) vient s’ajouter un jeu de glyphes multi-accentués utilisé par les romanistes dans le cadre de notations phonétiques. Pour le moment absents des plages Unicode, ces caractères spécifiques complexifient considérablement la saisie et la diffusion des nouveaux articles. En questionnant le dessin typographique, son encodage mais également la composition des définitions au sein de l’espace du dictionnaire, ce projet a pour objectif de faciliter le travail de la communauté des linguistes, simplifiant à la fois la rédaction et la consultation du FEW.

Plusieurs autres projets à l’ambition similaire ont vu le jour ces dernières années, révélant les nombreux manques typographiques dont peut souffrir la communauté scientifique. Le créateur de caractères britannique John Hudson a ainsi collaboré avec la Dumbarton Oaks Research Library de Washington à la création d’une police de caractères dédiée au référencement et au catalogage de leurs collections de sceaux et pièces d’origine byzantine, qui contient un grand nombre de signes spécifiques absents des polices traditionnelles. Le caractère qui en a résulté, nommé Athena Ruby, est devenu un outil essentiel à la compilation et à la diffusion des données relatives à de telles collections. Le designer allemand Andreas Stötzner travaille lui aussi depuis plusieurs années en collaboration avec les médiévistes du projet MUFI (Medieval Unicode Font Initiative) à l’élaboration de caractères spécifiques à la transcription de manuscrits et leurs allographes médiévaux spécifiques. Son travail avec l’Université de Bergen en Norvège a notamment fait l’objet d’un financement du Norwegian Research Council (NFR) et a permis la création et la mise à disposition de la communauté scientifique du caractère Andron. Le projet Decodeunicode de Johannes Bergerhausen, est également remarquable par sa volonté de rendre compte de l’étendue de l’Unicode et de partager un répertoire de ses signes—un projet ambitieux à mettre en relation avec l’initiative de la linguiste Deborah Anderson à l’Université Berkeley (Script Encoding Initiative), qui milite pour l’encodage et la normalisation des écritures minoritaires, en voie d’extinction, voire même, pour certaines d’entre elles, déjà disparues. On comprend donc aisément que la recherche par la typographie peut apporter des solutions à de nombreuses carences, en favorisant des échanges pluridisciplinaires. Car tout n’a pas été fait en matière de typographie, pour peu que l’on regarde un peu plus loin que les frontières de notre discipline. Un grand nombre d’écritures reste encore à fixer, et de nouveaux besoins se font jour régulièrement. À titre d’exemple, la normalisation très récente de l’écriture Tifinagh pose des questions de stabilisation d’une écriture qui ne connaissait pas, jusqu’à très récemment, de traduction typographique.

Il est bien entendu que les atouts et les bénéfices de ce type de collaborations sont considérables: en offrant une réponse concrète aux besoins rencontrés par d’autres champs de recherche, la typographie se rend disponible à des pratiques extérieures et s’en trouve enrichie par la même occasion. De tels projets permettent d’asseoir l’expertise pratique du typographe et du dessinateur de caractères au sein d’un travail de recherche, et de confirmer le rôle que peut endosser la typographie en tant qu’outil scientifique. Ces collaborations jouent également un rôle essentiel pour la poursuite de la recherche et la diffusion des connaissances dans de nombreux domaines, par le biais d’outils typographiques performants et ergonomiques. La recherche pour la typographie Dans ce troisième modèle, il est proposé d’enrichir la pratique de la typographie par l’apport de disciplines extérieures, en suggérant notamment une approche prospective des outils de création typographique. On imagine typiquement ici des chercheurs en sciences de l’informatique collaborer avec des spécialistes dans le champ de la typographie à l’élaboration de nouvelles technologies pour le dessin et la composition textuelle. À l’échelle internationale, l’exemple historique le plus révélateur du potentiel offert par ce type de recherche est sans doute le projet Metafont. Conçu par le chercheur informaticien Américain Donald Knuth dans les années 1980, Metafont est un langage permettant une approche programmatique du dessin de caractère, et la définition de systèmes typographiques par le squelette grâce à des équations géométriques puissantes. Pour ses recherches, Knuth n’a pas manqué de s’appuyer sur l’expertise de calligraphes et dessinateurs de caractères tel qu’Hermann Zapf, dans l’optique notamment d’émuler par la programmation le geste calligraphique. Une décennie plus tard, la collaboration du créateur français Ladislas Mandel avec le spécialiste des technologies de composition Richard Southall sur le projet Colorado présente un autre exemple fructueux de ce type d’approche. Alors qu’ils étaient mandatés pour créer de nouveaux caractères pour les annuaires téléphoniques destinés à être composés sur des flasheuses laser à basse résolution, l’expertise complémentaire des deux hommes leur a permis de développer une méthode très pointue d’optimisation du rendu des lettres, avec pour conséquence un gain de place considérable et une lisibilité optimale.

Plus proche de nous, l’un des projets mené actuellement à l’ANRT, en partenariat avec le Loria (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications, Nancy), propose un cas intéressant et précurseur en France de recherche en sciences de l’informatique avec pour but le développement de nouveaux outils typographiques. Les étudiants du Loria, sous la direction de Bart Lamiroy et en collaboration avec un étudiant-chercheur de l’ANRT, Thomas Bouville, développent des techniques d’analyse d’image et de détection des contours permettant d’imaginer des processus innovants de reconstruction automatique des formes typographique. À moyen terme, de tels procédés présentent des perspectives très intéressantes pour la digitalisation et la reconstruction de la typographie de documents anciens, dans un flux OCR (reconnaissance optique de caractères).

Au delà de la création de nouveaux outils typographiques, d’autres partenariats pourraient être envisagés, qui verraient par exemple des équipes de recherche en sciences cognitives collaborer avec des typographes et dessinateurs de caractères sur la question des processus de lecture ou de la perception des formes typographiques au sein des médias numériques. De tels projets sont encore à dessiner, et de nombreux autres restent à imaginer. La recherche en typographie offre un panorama très vaste. Cette réflexion arrive à un moment charnière, qui voit converger un champ d’investigation très spécialisé aux ramifications multiples, un lieu singulier (les écoles supérieures d’art), et un cadre académique en train de s’écrire. Cette modeste contribution n’aspire pas à faire le tour complet de la question, mais propose des modèles aisément applicables qui ouvriront, espérons-le, de multiples développements.

  • L’ANRT est un post-master de recherche typographique de l’École nationale supérieure d’art de Nancy. Créé en 1985, d’abord installé à l’Imprimerie Nationale puis à l’Ensad à Paris, il a été dirigé de 1990 à 2006 par Peter Keller. Après une parenthèse de six ans, il rouvre en 2013, avec une nouvelle équipe, une nouvelle direction et un nouveau projet. Il se définit comme un projet transdisciplinaire dédié au design typographique, de niveau 3e cycle. Il permet à des étudiants-chercheurs de développer un projet personnel, aussi bien dans le domaine du dessin de caractères que du design éditorial, ou d’intégrer des programmes de recherche définis avec des laboratoires partenaires. L’Atelier est ouvert à des candidats diplômés des écoles d’art en communication visuelle et en design graphique (niveau master / bac +5), ainsi qu’à des professionnels ayant un niveau d’étude équivalent—sans limite d’âge, et quelle que soit leur nationalité. 

  • Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique.

  • Si le design typographique (par lequel nous entendons la mise en page, le choix des caractères, leur composition et leur utilisation) fait depuis longtemps partie des fondamentaux abordés dès le début du cursus, le dessin de caractères a pendant longtemps été réservé à une poignée de formations spécialisées, souvent à un niveau post-diplôme. Les choses évoluent tout de même, puisqu’à l’échelle européenne quelques masters renommés qui dispensent aujourd’hui une formation pointue en dessin de caractère, tels que le master Type & Media de l’Académie Royale de La Haye aux Pays-Bas, le MA Typeface design de l’Université de Reading au Royaume-Uni, ou encore le Master Art Direction de l’ECAL en Suisse qui propose une spécialisation en type design. Bien qu’il n’existe pas encore en France de DNSEP spécifiquement dédié au design typographique, de nombreuses écoles ont développé des enseignements qui assurent aujourd’hui à la scène française une belle vitalité.

  • Christopher Frayling, «Research in Art and Design», in RCA Research Papers, I, 1, 1993/94.

  • Alain Findeli, «La recherche-projet: une méthode pour la recherche en design», in Erstes Designforschungssymposium, Zurich, SwissDesignNetwork, 2005.

  • L’histoire de la typographie est sans aucun doute la formule la plus éprouvée et la plus pratiquée à ce jour. Si l’on a coutume de dire que l’histoire du design commence au milieu du XIXe siècle, celle de la typographie s’établit quatre siècles plus tôt. «Depuis maintenant trente ans, théoriciens, historiens et personnalités de la scène graphique internationale militent pour l’établissement de l’histoire du design graphique comme une discipline autonome. Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire d’encourager la constitution de corpus substantiels dans le domaine de la typographie. Des recherches fondatrices en la matière ont été entreprises par le passé par des historiens de renom tels qu’Harry Carter, Jeanne Veyrin-Forrer, André Jammes, James Mosley, Hendrik Vervliet ou encore René Ponot (pour ne citer qu’eux), qui ont notamment permis de lever le voile sur certains épisodes clés de l’histoire de la typographie française entre le XVe et le XVIIIe siècle. Leur travail témoigne d’un niveau d’exigence en matière de recherche auquel il faut continuer à aspirer. Malgré cela, de profondes lacunes subsistent à l’heure actuelle dans nos connaissances; à titre d’exemple, il reste encore tout à écrire sur les fonderies françaises de la majeure partie du XIXe siècle et du XXe siècle.» Alice Savoie, «Dessiner la recherche en typographie», in Graphisme en France 2014, Paris, Cnap, 2014.

  • Rick Poynor, «Out of the studio: graphic design history and visual studies», Design Observer, 2011: http://observatory.designobserver.com/entry.html?entry=24048

  • Fred Smeijers, Counterpunch, Londres, Hyphen Press, 1996.

  • Between Writing & Type: the Stencil letter, exposition tenue en 2012 à la galerie Catapult, commissariat d’exposition Eric Kindel et Fred Smeijers. Voir également Eric Kindel, «A reconstruction of stencilling based on the description by Gilles Filleau des Billettes», in Typography Papers 9, Londres, Hyphen Press, 2014.

  • Peter Biľak, «Experimental typography. Whatever that means», in We Want You To Love Type, catalogue de l’exposition E-A-T, 2008.

  • Un nouveau programme de recherche du même ordre, en collaboration avec le département Monnaies et médailles de la BnF, sera lancé en 2014–2015. Intitulé PIM (Police pour les Inscriptions Monétaires), il repose sur la création d’un caractère typographique qui fournirait, sous une forme unifiée, tous les dessins de glyphes repertoriés pour l’établissement d’un catalogue trans-période. www.anrt-nancy.fr

  • L’écriture Tifinagh, pour la notation de la langue amazighe, a été intégrée à la version 4.1.0 de l’Unicode, en mars 2005. Depuis 2011, l’amazighe est la 2e langue officielle du Maroc, produisant une signalétique nouvelle, souvent anarchique, mêlant trois écritures: l’arabe, le tifinagh et l’alphabet latin. Un étudiant-chercheur de l’ANRT, travaille actuellement sur le sujet, en relation avec l’Institut royal de la culture Amazighe. En 1996 déjà, Pierre Di Sculio avait dessiné un caractère Tifinagh, l’Amanar.

  • Richard Southall, Printer’s type in the twentieth century, The British Library & Oak Knoll Press, 2005.

  • L’ANRT organise les 6–7 mai 2014 un séminaire international sur le sujet, intitulé «Automatic Type Design», réunissant des scientifiques, des développeurs et des designers (avec notamment Richard Southall, Erik van Blokland, Frederik Berlaen, Simon Eggli, Pierre Marchand, Bart Lamiroy, Yannick Mathey…).

Références

  • « Recherche, typographie : points de vues et perspectives », Thomas Huot-Marchand & Alice Savoie, 2014