Les polices de caractères de certaines écritures indiennes –qu’elles soient traditionnelles ou contemporaines– suggèrent la gestualité de l’écriture manuscrite et l’impact de l’outil utilisé sur la forme des lettres. L’approche typographique de l’écriture latine, quant à elle, diffère des scriptes indiennes, en raison de son évolution et de la quantité de formes explorées au fil des siècles.

Le projet a débuté avec la réhabilitation typographique d’une des écritures historiques d’Inde, le sharada, évoluant peu à peu vers une enquête sur le dialogue potentiel entre cette écriture et l’écriture latine. Il s’agit de rechercher un modèle de calligraphie latine traditionnelle approprié, s’accordant visuellement avec les formes du sharada, sans en compromettre l’héritage.

Une famille de caractères latine sans-empattements aux racines calligraphiques peut-elle être adaptée à la composition de textes longs?

Une famille de caractères latine à empattements aux racines calligraphiques suggérant l’influence des stylos à plume large peut-elle constituer une famille de caractères performante?

Comment deux systèmes d’écriture complètement opposés et provenant de deux continents différents peuvent-ils fonctionner harmonieusement ?

Est-il possible d’utiliser une grammaire visuelle commune, sans pour autant mettre en avant l’héritage de l’une au détriment de l’autre?

Ce projet est l’occasion de répondre à ces questions, tout en contribuant à faire revivre une écriture historique basée sur le sharada, originaire du Cachemire et issu du Brahmi, en Inde. Son appellation fait probablement référence à un nom sanskrit traditionnel, Śāradādeśa ou Śāradāmandala. Cette écriture est à l’origine d’une sous-famille importante du Brahmi et est contemporaine des familles Nagari et Proto-Bengali. Le Sharada était la principale écriture littéraire et lapidaire du Cachemire du VIIIe siècle au XXe siècle. Elle a été utilisée pour écrire le sanskrit, le cachemiri et d’autres langues du nord de l’Asie du Sud, d’abord sous forme d’inscriptions sur pierre, cuivre, puis sur d’autres supports jusqu’au XIXe siècle. À partir du XIIe siècle, le sharada a été utilisé pour écrire des manuscrits de textes védiques et de sanscrit classique.