À partir du 8e siècle, l’apparition des premières formes de notations musicales dessinées met fin à une longue tradition d’apprentissage «de bouche à oreille» des mélodies. On lui préfère alors un modèle de «traduction graphique» du son. Les premiers signes musicaux – les neumes – vont au fil des siècles évoluer vers notre système de notation musicale contemporain. La qualité graphique des graduels produits par les scriptoria carolingiens est frappante.

Deux écritures ont particulièrement retenu l’attention des historiens: la notation messine et la notation de St-Gall. Ces deux écritures sont encore utilisées aujourd’hui pour interpréter le chant Grégorien au plus près de sa forme ancestrale. Ces explorations typographiques se sont basées sur l’observation des deux manuscrits de référence quant à l’étude de ces notations. Elles ont également été nourries par le travail mené par les développeurs du projet Gregorio, un logiciel libre dont un des objectifs est de permettre l’édition de partitions intégrant les signes carolingiens. Jusqu’alors, aucun véritable caractère n’avait été envisagé pour l’affichage de ces signes. L’édition des partitions grégoriennes est un défi typographique: elles proposent à leurs lecteurs au moins trois différentes écritures à lire simultanément.

En plus d’une composition à destination de l’interprétation, le dessin de caractère a pour objectif de faciliter le travail des scientifiques, en leur fournissant un outil pour transcrire les signes étudiés. Le dessin a été guidé par des aller-retour entre les sources observées et les pratiques d’écriture musicale d’aujourd’hui. En résulte un dessin des neumes informel, conservant quelques reliquats manuscrits, et puis un caractère de texte proposant une interprétation contemporaine du ductus de la caroline. Une sorte de «carolinéale» s’inspirant du ductus carolingien tout en cherchant à rester stable, actuelle et lisible. Les glyphes produits peuvent être affichés par Gregorio pour retranscrire le chant convenablement. L’alphabet peut aussi vivre indépendamment et composer des textes plus libres. L’ensemble cherche à partager un «air de famille» tout en se basant sur des énergies différentes. Ces recherches se sont également attardées sur la question de l’origine de ces écritures et d’un éventuel «ancêtre» graphique qu’elles partageraient. C’est sur ce point que se poursuivent aujourd’hui mes explorations. Un regard attentif est porté sur le système des notes tironiennes à son apogée au moyen-âge.