Ce travail de recherche trouve son point de départ dans une dynamique de croisements historiographiques et esthétiques de quatre ressources archivistiques. Il s’agit de faire une enquête à la fois historique et graphique, entre les fonds d’archives inédites de chercheurs et graphistes de la deuxième moitié du XXe siècle, de la cartographie à la typographie, de la France vers l’Inde. 

L’enquête débute dans les années 1960 par les recherches et théories de Jacques Bertin, cartographe et sémiologue français, et nous conduit en Inde vers les travaux de Anne Chappuis et Luc de Golbéry, cartographes et géographes statisticiens, qui ont réalisé l’informatisation des concepts de Bertin pour le Bureau of Economics et le département du planning et du développement de l’état de l’Andhra Pradesh puis du Telangana.

En Inde à la même période et de l’autre côté du pays, le National Institute of Design (NID) de Ahmedabad alors très récent, invite de nombreux artistes, architectes, designers et typographes pour des séjours pédagogiques. Mahendra Patel se forme ainsi au dessin de caractère avec Dorothea et Armin Hofmann, il rencontre Bruno Pfäffli ainsi que Adrian Frutiger, puis il se rend à Bâle pour suivre d’autres enseignements, notamment ceux de André Gürtler. Il fait une partie de ses premières expériences professionnelles à l’Atelier Frutiger à Paris, et co-dessina ensuite les caractères Dev-nagari, New-nagari et Tamil Linear avec Adrian Frutiger. Enseignant ensuite au NID durant plus de 30 ans, il reçut le prix Gutenberg en 2010. Ses travaux et archives seront ici étudiés pour la toute première fois.

Ce parcours, qui se construit comme une boucle, présente des archives inédites des manuscrits de Adrian Frutiger, notamment une partie de sa documentation et les brouillons successifs de ses essais sur les relations entre le langage, les signes et l’histoire de l’homme. Écrivant à la même époque que Bertin, gravitant dans des cercles intellectuels et professionnels parfois communs, et le citant même, il s’agira de retracer leurs trajectoires théoriques.

Finalement, en regroupant ces travaux, il s’agit d’explorer une boîte noire de la recherche en sciences humaines et sociales, celle précisément de sa visualité et de son expression graphique. 

Ce projet s’adosse au projet de recherche «Design graphique et recherche en sciences sociales. Le laboratoire de graphique de Jacques Bertin» (DESIGNSHS), financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour un programme de quatre ans (2021-2025).