Mon projet porte sur les « écritures de la contestation », dont parle Philippe Artières, historien et chercheur au CNRS, dans son livre « La Banderole ». Les écritures contestataires sont des écritures qui détiennent un statut particulier en raison de tout l’affect et de la portée insurrectionnelle qu’elles renferment. Elles n’ont pas de portée publicitaire ou signalétique : elles ne sont pas au service d’un ordre de l’espace public, mais au contraire elles témoignent d’une parole qui se veut établie, importante et prise en compte par ceux qu’elles désignent, c’est à dire les pouvoirs politiques du pays. Diffuser ces écritures, c’est participer à « faire passer le message » et à continuer le chemin scriptural et graphique de ces propositions.

La rue est un espace qui se partage collectivement. Cette notion prend tout son sens lorsqu’il s’agit de manifestations, pour revendiquer des droits, dans les rues, bras tendus, banderoles et pancartes visibles, messages peints, dessinés, écrits, usant de slogans. Les lettrages bougent et font corps avec les femmes et les hommes qui les porte. L’écriture à des fins de lutte sociale permet d’articuler une pensée personnelle avec un mouvement plus vaste et commun : la lettre rassemble et unifie une foule derrière le carton des pancartes.

Dans un contexte d’insurrection populaire, les écrits sont plus que jamais présents, dans les rues mais aussi à la télévision, dans les journaux numériques ou imprimés, ainsi que sur les réseaux sociaux. Cette abondance de lettrages crée une distinction significative entre les écrits institutionnels et les écrits spontanés.

Le corpus depuis lequel j’ai mené ma recherche se compose de 604 photographies de 614 pancartes prises pendant dix manifestations contre la réforme des retraites à Nancy, du 31 janvier 2023 au 1er mai 2023. De ce corpus découlent des analyses et des formes graphiques à des fins de diffusion des paroles et pour garantir la persistance visuelle des créations de lettrages en manifestation.