De main en main. La transmission de la création de caractères en France, 1979–2019

Thomas Huot-Marchand 2019

De main en main.
La transmission de la création de caractères en France, 1979–2019

«Le même problème considéré en termes de générations humaines; deux douzaines de paires de mains décharnées, quelque vingt-cinq vieillards suffiraient pour établir un contact ininterrompu entre Hadrien et nous.»
Marguerite Yourcenar, Carnets de notes des Mémoires d’Hadrien, Paris, Plon, 1958.

La remarquable vitalité dont témoigne aujourd’hui la création typographique en France est à mettre au crédit du développement et de la structuration de son enseignement. Cette transmission, autrefois assurée au sein des fonderies, a progressivement gagné les écoles d’art et de design. Ce savoir-faire naguère si rare, et qui manque de disparaître en France à la fin des années 1970, se transmet aujourd’hui de main en main: sans viser la lointaine Antiquité appelée par Marguerite Yourcenar, cette contribution pose un regard rétrospectif sur les origines de cette relance, et sur le rôle d’un ensemble de passeurs, tour à tour élèves et enseignants, qui ont permis de maintenir ce fil ininterrompu.

1979: la typographie française moribonde

À la fin des années 1970, la typographie française est sur le point de disparaître. Cet effondrement est la conséquence de plusieurs rendez-vous manqués, dont les sources peuvent être identifiées dès le début du XXe siècle. Rendez-vous manqué avec la composition mécanique, qui creuse progressivement l’écart entre l’industrie typographique française et ses concurrents étrangers, mais également avec le modernisme, qui renforce l’isolement (voire l’isolationnisme) de la création française à l’égard du souffle nouveau qui traverse l’Europe de l’entre-deux-guerres.

Paradoxalement, les années 1950 avaient été le théâtre d’une embellie spectaculaire, avec l’engagement ambitieux de Charles Peignot en direction de la photocomposition, les créations emblématiques d’Adrian Frutiger pour Deberny & Peignot, de Roger Excoffon pour la fonderie Olive, ou encore l’arrivée de nouveaux acteurs tels qu’Albert Hollenstein, dans le phototitrage. Une embellie en forme de chant du cygne: dans les années 1970, les principales fonderies françaises ferment leurs portes.

Une situation alarmante, que détaille Charles Peignot dans une note intitulée «État de la création typographique en France», transmise en octobre 1979 à Georges Bonnin, directeur de l’Imprimerie nationale, dernier lieu, à l’époque, où la création de caractères est toujours pratiquée. Charles Peignot déclare: «L’Imprimerie nationale dispose d’un seul graveur, ancien apprenti des fonderies D & P. Le moment est venu pour elle de lui adjoindre 1 ou 2 apprentis, non seulement pour créer de nouvelles séries, mais pour assurer l’entretien des poinçons d’intérêt historique qui constituent son admirable collection, GARAMONT—LUCE—GRANDJEAN etc… Le seul graveur actuel travaillant à l’Imprimerie nationale doit atteindre la retraite dans quelques semaines.» Et de conclure: «À l’école américaine de typographie, le moment n’est-il pas venu d’opposer une école française, et n’appartient-il pas à l’Imprimerie nationale d’en prendre l’initiative?»

L’isolement français

La typographie française, riche d’une histoire prodigieuse, s’est progressivement isolée du reste du monde au cours du XXe siècle. D’abord, de mauvais choix industriels ont creusé l’écart avec les fonderies étrangères: passée à côté de la composition mécanique, elle rate aussi, malgré l’aventure audacieuse de la Lumitype, le passage à la photocomposition. Des changements technologiques qui opèrent une concentration progressive des acteurs, pour l’essentiel germaniques et anglo-saxons.

Ce déséquilibre suscite des réactions de repli. On sent poindre dès 1900, chez le typographe et historien Francis Thibaudeau, une défiance à l’égard des fonderies allemandes. On lui oppose un «esprit français», qui valorise le geste, l’arabesque: des termes que l’on retrouve dans le texte Choix, de Paul Iribe, en 1930: «L’arabesque est mouvante, le cube est immobile. L’arabesque est la liberté, le cube est la prison. L’arabesque est la gaieté, le cube c’est la tristesse. L’arabesque est féconde et le cube est stérile, car l’arabesque c’est une ligne vivante et “qui marche et qui mène où on veut aller”. C’est entre ce cube Europe et cette arabesque France qu’il nous faut choisir, et le moment est venu.» Ce texte aux accents nationalistes et, pour tout dire, xénophobes, sera vingt ans plus tard placé en exergue de celui de Maximilien Vox, «Pour une graphie latine». Ces idées connaîtront un certain écho sur la scène franco-espagnole de l’époque, et dans les catalogues de la Fonderie typographique française (autour de Enric Crous-Vidal, Louis Ferrand, Joan Trochut-Blanchard…), de Deberny & Peignot (avec, au départ, le Scribe et le Film de Jacno, puis les premières créations de Frutiger, Président, Phoebus et Ondine—dont il dira par la suite: «Pour être franc, elle m’a toujours causé un certain malaise. J’avais l’impression de trahir mes professeurs») et de la fonderie Olive (avec le Vendôme de François Ganeau, et les Chambord, Mistral, Banco, Choc de Roger Excoffon). Le mouvement de la Graphie latine accompagne la fondation de l’école de Lure en 1952 par Maximilien Vox, Jean Garcia et Robert Ranc (tous deux de l’école Estienne).

Ce mouvement peut être lu comme une tentative artificielle de Vox de faire face à l’arrivée massive de caractères étrangers et à l’hégémonie de l’industrie anglo-saxonne; c’est aussi une position idéologique douteuse, à la lueur des idées politiques que ce dernier affiche sous l’occupation. Une position qui n’est pas exempte de paradoxes: c’est Vox lui-même qui convainc Charles Peignot d’acquérir les droits du Futura en 1930, publié sous le nom d’Europe chez D & P…, et le même Charles Peignot qui crée en 1954 l’Association typographique internationale (Atypi), qui réunit depuis la création typographique mondiale.

Le CERT (1980–1984)

L’appel lancé par Charles Peignot en 1979 va être entendu: en découle quelques mois plus tard la constitution d’un groupe d’abord informel, le Centre d’étude et de recherche typographique (Cert), qui va réunir les figures majeures de la typographie francophone. Lors des nombreuses réunions organisées entre 1980 et 1982 se retrouvent Fernand Baudin, Gérard Blanchard, Roger Druet, Roger Excoffon, Adrian Frutiger, Raymond Gid, Marcel Jacno, Ladislas Mandel, Claude Mediavilla, José Mendoza y Almeida, Charles Peignot et ses fils Rémy et Jérôme, et René Ponot.

Dans la postface de l’ouvrage De Plomb, d’encre et de lumière, publié par l’Imprimerie nationale en septembre 1982 à l’occasion du congrès de l’Atypi à Beaune, Georges Bonnin revient sur l’aventure du Cert: «Une quinzaine de spécialistes qui jouissent d’une renommée incontestée non seulement en France mais sur le plan mondial se sont tout naturellement retrouvés dans l’imprimerie de la nation, en un groupe qui n’a rien d’institutionnel mais qui vaut essentiellement par l’adhésion personnelle des interessés, pour une réflexion constructive sur une nouvelle “défense et illustration” de la typographie française. […] Ensuite, il importe de relancer la création typographique en notre pays, celle-ci étant maintenant le monopole des fabricants de matériel étrangers exclusivement anglo-saxons. […] D’où l’idée, lancée par certains, de l’ouverture d’un atelier de création typographique qui pourrait utiliser l’expérience acquise par l’Imprimerie nationale tant dans le domaine traditionnel depuis des siècles que dans celui de la photocomposition depuis une quinzaine d’années et qui, après avoir mis sur support magnétique le patrimoine typographique français, pourrait étudier des caractères nouveaux, conseiller et aider les utilisateurs publics ou privés et mener une campagne d’information et de sensibilisation auprès d’un large public.»

Cet ouvrage, composé au plomb, en Grandjean, dresse un état des lieux contrasté, sinon paradoxal, de la création typographique à l’aube de sa digitalisation. Certains auteurs y sont particulièrement réticents, tandis que d’autres se montrent plus optimistes.

En 1982, sous l’impulsion de Jack Lang, alors ministre de la Culture, est constitué le groupe interministériel Graphisme et Typographie, qui concrétise le soutien des pouvoirs publics à cette initiative née de la profession. La participation de différents ministères traduit en outre le souci d’un renouvellement conjoint d’une industrie et d’une pédagogie françaises de la typographie.

Le premier projet de photocomposeuse, envisagé en réaction à la dépendance de la France à des technologies étrangères, ne verra pas le jour. C’était alors les dernières heures de cette technologie, bientôt remplacée par la publication assistée par ordinateur.

En 1984, tandis que le Cert cesse de se réunir, le montage de l’Atelier national de création typographique (ANCT) se précise: le projet s’achemine vers un lieu de formation intégré à l’Imprimerie nationale, sous tutelle pédagogique de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) de Paris. L’Ensad est à l’époque l’un des rares lieux d’enseignement du graphisme et de la typographie en France, et aussi le plus prestigieux. À l’automne 1985, l’équipe définitive est formée: Raoul Sautai est nommé coordinateur général, Robert Michel est détaché de l’Ensad pour assurer la coordination administrative, ainsi que Peter Keller pour la coordination pédagogique, tandis que Mandel et Mendoza sont chargés d’assurer la formation en dessin de caractères.

Le Scriptorium de Toulouse (1967–2005)

Une formation existait pourtant en France, le Scriptorium de Toulouse. Créé par André Vernette en 1967 au sein de l’école d’art de la ville, il accueille dans ses deux premières promotions Bernard Arin, Claude Mediavilla ou François Boltana. Fermé en 1973, le Scriptorium rouvre à l’École des beaux-arts de Toulouse entre 1982 et 1985 sous la direction de Bernard Arin. François Boltana et Rodolphe Gugliardo y interviennent également. L’enseignement y est fondé sur la calligraphie, la gravure lapidaire et la création d’alphabets, essentiellement pour le titrage. C’est alors l’âge d’or de la lettre-transfert: des entreprises telles que Letraset ou Mecanorma permettent à de jeunes créateurs de publier de nouveaux alphabets.

À contre-pied de l’effort de relance de la création typographique française, et dans le contexte de la redéfinition de l’enseignement de la communication visuelle dans les écoles d’art, le Scriptorium, jugé trop «professionnalisant», est à nouveau contraint de fermer en 1986. Les appels répétés de plusieurs figures du Cert, comme Blanchard ou Mendoza, n’y feront rien. Le Scriptorium rouvre néanmoins ses portes en 1988, sous la forme d’un cours privé, dispensé par Arin à son domicile, qui restera actif jusqu’en 2005.

Tout au long de sa tumultueuse histoire, le Scriptorium a formé un grand nombre de créateurs de caractères et de calligraphes parmi lesquels Claude Mediavilla, François Boltana, Thierry Puyfoulhoux, Rodolphe Giuglardo, Franck Jalleau, Kitty Sabatier (qui, avec David Théry, a participé à une formation en alternance, Axe Sud, à Toulouse, entre 2011 et 2013), ou, plus près de nous, Xavier Dupré et Jérémie Hornus.

La création de l’Atelier national de création typographique (1985)

L’Atelier national de création typographique (ANCT) ouvre en décembre 1985, avec pour premiers stagiaires boursiers Franck Jalleau, ancien étudiant du Scriptorium de Toulouse, et Tum Lam N’go. Le premier projet porte sur l’adaptation pour la photocomposition du Gauthier, la dernière création (en date) de l’Imprimerie nationale, gravé par Louis Gauthier entre 1948 et 1979.

Entre 1985 et 1988, les caractères créés à l’ANCT l’étaient sous la direction de Mandel et Mendoza. Parallèlement à l’adaptation du Gauthier (par Jean-Renaud Cuaz, Franck Jalleau et Tum Lam N’Go), des créations sont engagées, comme l’Anisson, un projet ambitieux de «grande création française» proposé par Ladislas Mandel, inspiré d’un cicéro serré de Pierre-Simon Fournier, ou le Perrin, basé sur les travaux de l’éditeur lyonnais Louis Perrin.

La création des caractères typographiques se fait alors essentiellement à la main. Ce sont Ladislas Mandel et José Mendoza qui transmettent leur savoir-faire. Le dessin se fait sur calque, au crayon dur, selon des gabarits constants (hauteur de capitale de 12 centimètres). Plusieurs séries sont souvent nécessaires avant de passer à l’encre. Les dessins encrés, sur de la carte blanche puis directement sur calque ou film polyester, indiquent également les approches des caractères. Ces dessins au net sont ensuite passés au banc de reproduction puis tirés en réduction sur bromure pour permettre de composer des textes. Ceux-ci, patiemment assemblés à la main, sont à nouveau réduits photographiquement pour pouvoir juger du texte en petit corps.

Mandel et Mendoza sont à l’époque des créateurs reconnus sur le plan international. Un retour sur leurs parcours respectifs permettra de comprendre leurs approches et méthodes.

Isabelle Durand, Franck Jalleau, Tung Lâm Ngô, sous la direction de Ladislas Mandel et José Mendoza, ANISSON, une création typographique de l'ANCT inspirée d’un cicéro serré de Pierre-Simon Fournier. Montage de bromures sur carton, 1987. Archives ANRT.

José Mendoza (1926–2018)

José Mendoza est sensibilisé très tôt au dessin de caractères auprès de son père, Guillermo de Mendoza (1895–1944), créateur typographique espagnol considéré par Vox comme le précurseur de la Graphie latine. Il collabore avec Maximilien Vox après guerre, puis assiste Roger Excoffon à la fonderie Olive entre 1954 et 1959. En 1960, il met au point le Pascal, une subtile incise publiée par la fonderie Amsterdam pour concurrencer l’Optima d’Hermann Zapf. En 1991, ITC publie l’ITC Mendoza Roman, qui reste son plus grand succès. Publier un caractère typographique constitue à l’époque, pour une fonderie, un investissement considérable. Ce facteur économique, difficilement imaginable aujourd’hui, ainsi qu’un contexte marqué par plusieurs bouleversements technologiques expliquent que la majeure partie des caractères de Mendoza ne verront pas le jour: seuls cinq sont aujourd’hui disponibles (Pascal, Fidelio, Sully Jonquières, Photina, ITC Mendoza Roman). Son style, marqué par les formes humanistiques, fait de courbes tendues et de coins arrondis, aura néanmoins une influence considérable sur une génération de créateurs, comme nous le verrons par la suite.

Adrian Frutiger (1928–2015)
et Ladislas Mandel (1921–2006)

Le jeune Frutiger, tout juste diplômé de la Kunst Gewerbeschule de Zurich, est recruté en 1952 par Charles Peignot. Il redéfinit en profondeur tout le processus de création des caractères typographiques de la fonderie: celui-ci était jusqu’alors très hiérarchisé et engageait une foule d’intermédiaires, regroupés en comités typographiques, bureaux de dessin et ateliers de production. Pour la Lumitype, Frutiger revoit tout de fond en comble: l’adoption d’une classification numérique des familles de caractères, d’une nouvelle dénomination des graisses, la standardisation des jeux de caractères offerts par les claviers des machines, d’un ensemble de proportions et de gabarits pour améliorer la compatibilité des différents dessins, et jusqu’au vocabulaire employé pour désigner les caractères! Les notions de casses, de corps, de gravure sont en effet devenues obsolètes. L’ensemble des dispositions qu’il préconise est frappant par sa clarté, sa cohérence et sa logique programmatique: ces qualités vont s’exprimer dans la grande création qu’il propose à Charles Peignot, qui souhaitait initialement perpétuer le succès de l’Europe avec la Lumitype. Frutiger le convainc de publier un nouveau caractère sans empattements, élaboré selon un programme de vingt et une graisses, l’Univers.

Pour mener à bien ces projets, Adrian Frutiger constitue une petite équipe. Il recrute en premier lieu Lucette Girard, diplômée de l’école Estienne, qu’il envoie étudier pendant un semestre auprès de Walter Käch à Zurich, pour, dit-il, «que sa main reçoive la même formation que la mienne».

Fin 1954, Ladislas Mandel se présente à la fonderie et rencontre Frutiger, qui l’embauche sur le champ. Originaire des Carpates, Mandel a rejoint la France en 1936. Peintre et sculpteur de formation, résistant au sein des FTP pendant la guerre, c’est auprès de Frutiger qu’il apprendra le métier. Pour la production des nombreux dessins de l’Univers, Mandel propose de troquer l’encre de chine pour la carte à gratter: la forme est produite en retranchant le noir, à la manière d’une sculpture; il introduit également l’emploi de chablons (ou pistolets) pour dessiner les courbes. L’année suivante, une jeune recrue vient compléter l’atelier: il s’agit d’Albert Boton (né en 1932), qui participera lui aussi au dessin de l’Univers et deviendra, de l’aveu du maître, l’un de ses meilleurs dessinateurs. «Notre équipe avait vraiment fière allure», conclut-il. C’est autour de ce noyau, au cœur même de la fonderie parisienne, que s’élaborent les nouvelles méthodes de dessin qui seront perpétuées par la suite.

En 1963, Mandel prend la direction du studio de création de Deberny & Peignot, Frutiger demeurant directeur artistique. À l’instar de Mendoza, très peu de caractères de Mandel seront publiés: d’une certaine manière, il restera longtemps dans l’ombre de Frutiger, avant de rencontrer un succès considérable avec les caractères qu’il créera pour plusieurs annuaires téléphoniques à partir de 1975. Dans ces projets de grande envergure, Mandel affirme son style et développe le concept de lisibilité culturelle: ses caractères, adaptés aux très petits corps, sont pensés en relation à la culture visuelle des pays pour lesquels ils sont conçus. Il met au point des méthodes innovantes de prédigitalisation, corrigeant manuellement l’interprétation matricielle des dessins par les photocomposeuses pour améliorer leur aspect en petites tailles.

Ardent défenseur d’une typographie latine et humaniste, Mandel adopte dans la dernière partie de sa carrière des positions radicales, dénigrant l’Univers comme le parangon de la pensée unique de la typographie et des «linéales sans âmes». Propos surprenants, alors qu’il a toujours admiré Frutiger et participé au dessin du fameux caractère…

1989: deux écoles

Mandel et Mendoza, actifs dès les premières heures du Cert, ne voient pas d’un bon œil l’implication de l’Ensad dans l’ANCT. Tout les sépare en effet de l’enseignement de Peter Keller, qui s’est joint à l’équipe dès l’ouverture. Formé à la Gewerbeschule de Bâle, où il étudie (avec Rudi Meyer) auprès d’Emil Ruder, Armin Hofmann ou Robert Büchler, Keller fait partie des «Suisses de Paris» qui ont rejoint la capitale française à partir des années 1950. Les quatre premiers sont Adrian Frutiger, Peter Knapp, Jean Widmer et Albert Hollenstein; ils seront suivis par Peter Keller et Rudi Meyer, Hans-Jürg Hunziker et beaucoup d’autres. Nombre d’entre eux enseignent à l’Ensad, théâtre de débats houleux entre les tenants de cette école suisse et les enseignants issus du collectif Grapus, proches de l’école polonaise.

À l’ANCT, les tensions sont d’un autre ordre: «Ils n’arrivaient pas à s’entendre car ils ne parlaient pas de la même chose. Lorsqu’il parlait de typographie, Keller voyait la page dans son ensemble, son architecture. Mandel et Mendoza voyaient la lettre», dit Isabelle Durand de la deuxième promotion de l’ANCT. «Mandel et Mendoza […] voient dans l’Atelier l’opportunité d’une relance de la production typographique en France, et souhaitent y contribuer en transmettant non seulement un savoir-faire spécifique, acquis pendant des années de pratique, mais aussi une vision de la typographie française, ou plutôt latine—adjectif souvent opposé à la culture germanique. Peter Keller, lui, n’a jamais dessiné de caractères, mais a développé à leur endroit un regard expert. C’est un typographe davantage qu’un dessinateur de caractères: il compose avec ces formes, en investissant l’espace de la page. De sa formation à Bâle, il garde une conception moderniste du métier; par ses convictions, il revendique une approche de la typographie qui ignore les frontières entre les disciplines, et récuse les conceptions nationales de ce métier. Enseignant depuis 1969 à l’Ensad, c’est un pédagogue qui a progressivement mis en sommeil sa pratique professionnelle pour se consacrer à la transmission.»

Mandel cesse d’intervenir à l’Atelier en 1988; Mendoza le quitte en 1990, suivi par Franck Jalleau, qui avait rejoint l’équipe enseignante trois ans plus tôt. En août 1991, Mandel donne une conférence aux Rencontres internationales de Lure, qui est encore à l’époque un foyer actif des idées de la Graphie latine. Mandel y déclare: «Aujourd’hui l’ANCT compte 4 formateurs Keller—Rudi Meyer—Huntziger (sic)—Bauer (?)—Widmer n’ayant fait que passer pour faire dessiner un alphabet par des stagiaires non encore formés. Formateurs dont Hunziker seul a touché au dessin de caractères, tous de l’Ensad et tous suisses. Chargés de réhabiliter la typographie française.» Et de conclure par ce jugement sans appel: «C’est ainsi qu’avec le détournement de l’ANCT de sa vocation originelle, notre rêve de réhabilitation de la typographie française s’est évanoui.»

En 1990, soutenu par Georges Bonnin, Peter Keller soumet un nouveau projet et prend à la rentrée la direction de l’ANCT. Il ouvre pour l’Atelier de nouvelles perspectives: dépassant la vision autocentrée d’une relance de la typographie française, il souligne la nécessité d’une ouverture à l’international et celle d’une pratique élargie de la création typographique. L’ANCT se dote d’une identité visuelle, conçue la même année par Margaret Gray, qui apparaît sur la première affiche d’appel à candidatures: on peut y lire, en quatre langues (français, anglais, allemand et japonais) que «le but de l’Atelier est de constituer un centre d’expérimentation, assurant la formation artistique, scientifique et technique de spécialistes dans les domaines de la création de caractères, de la conception typographique et du design graphique». L’équipe évolue également: elle est désormais constituée d’Albert Boton (qui avait remplacé Mandel dès 1988), Hans-Jürg Hunziker, Rudi Meyer et Jean Widmer. Si elle témoigne d’un équilibre entre créateurs de caractères et typographes, cette équipe souligne le lien à l’Ensad, où la majorité d’entre eux enseignent alors, mais aussi l’héritage du modernisme suisse (dans le sillage des écoles de Bâle et de Zurich). Ce tropisme est sensible dans les productions de cette décennie, même si la variété des projets et des profils des stagiaires-chercheur·e·s (d’une trentaine de nationalités différentes) montre une volonté permanente d’ouverture et d’expérimentation.

Margaret Gray, affiche d'appel à candidature, première apparition de l'identité visuelle de l'ANCT, 1990. Archives ANRT.

Concernant le dessin de caractères, Boton (formé auprès de Frutiger à la Lumitype) et Hunziker (élève puis collaborateur de Frutiger) perpétuent une approche par le dessin sur calques, au crayon puis à l’encre. À partir de 1991, l’Atelier se dote d’ordinateurs Macintosh, et d’une tablette Ikarus (URW) qui permet de digitaliser des caractères. Le dispositif s’accélère encore avec l’acquisition, cinq ans plus tard, du logiciel Altsys Fontographer, premier éditeur de fontes grand public, qui introduit la description des contours en courbes de Bézier et permet d’exporter des fontes PostScript Type 1.

L’Atelier de création typographique à l’école Estienne (1992)

En 1991, Franck Jalleau crée, avec Michel Derre, l’Atelier de création typographique (ACT) à l’école Estienne. Ils seront rejoints en 1994 par Margaret Gray: tous les trois viennent de l’ANCT. Sébastien Morlighem, qui faisait partie de la première promotion, témoigne: «Nous étions cinq jeunes hommes (Bertrand Clerc, Stéphane Darricau, Jean-Marc Denglos, Emmanuel Benoist et moi-même) apprenant de façon très concentrée et tabagique le dessin de lettres, la calligraphie et leur mise en page. Les méthodes enseignées étaient directement dérivées de celles mises au point par Mendoza et Mandel à l’ANCT: dessin au crayon 2H (minimum) sur calque, ou sur carte à gratter, remplissage au feutre ou à l’encre de Chine.»

Adrian Frutiger avait enseigné les fondamentaux de la typographie à l’école Estienne entre 1952 et 1960, mais la pratique de cette discipline avait progressivement disparu de cette institution historique. L’Atelier de création typographique marque ainsi un nouveau départ spectaculaire qui, dans ses premières années d’existence, reste assez proche de l’esprit de la première période de l’ANCT, par le profil de ses enseignants et des personnalités que l’on y croise: Gérard Blanchard, José Mendoza, Bernard Arin, et j’en passe. L’ambition est néanmoins d’y aborder la création typographique au sens large, et c’est encore le cas aujourd’hui.

Le DSAA Design création typographique, puis Design typographique, accueille chaque année de huit à dix étudiants, et est toujours animé par son équipe originale, rejointe aujourd’hui par Philippe Buschinger, Raphaël Lefeuvre et Mathieu Réguer. Cette excellente formation a initié un très grand nombre d’étudiants à la typographie. Bon nombre des représentants les plus en vue de la création française en sont directement issus: citons par exemple Damien Gautier (205.TF), Jean-Baptiste Levée (Production Type), Ludivine Loiseau (OSP), Julien Priez ou Yoann Minet (Bureau Brut).

1999: dépasser les frontières

Muriel Paris détaille en 1999, dans Graphisme en France, «Le caractère singulier de la typographie française». Le panorama qu’elle en dresse, après une rapide synthèse historique, atteste des incontestables progrès accomplis depuis une quinzaine d’années. Mais il faut reconnaître deux faiblesses majeures: sa faible féminisation (un reproche que l’on peut d’ailleurs étendre au monde du graphisme de l’époque, et de son enseignement), et son relatif isolement. Pierre di Sciullo ou Jean François Porchez sont les rares figures dont les productions rayonnent au-delà de nos frontières. Ce dernier (camarade de promotion de Muriel Paris à l’ANCT en 1990–1991) lance dès 1994 sa propre fonderie, Typofonderie, qui lui permet de diffuser ses créations, parallèlement aux nombreux caractères sur mesure qu’il réalise pour de grands groupes en France et à l’étranger. Il est le premier à faire le pari de l’indépendance et d’Internet pour diffuser ses fontes: un changement de paradigme radical, devenu la norme aujourd’hui. Cette nouvelle donne va progressivement rompre l’isolement de la production française, qui dépendait depuis deux décennies de fonderies étrangères: un hiatus d’une génération entière, qui a vu plusieurs créateurs prometteurs prendre d’autres voies. Par exemple Claude Mediavilla ou Jean Larcher, qui se tournent vers la calligraphie, ou Thierry Puyfoulhoux, qui vogue aujourd’hui sur d’autres eaux. Citons également François Boltana (1950–1999), étoile filante de la typographie française qui, depuis Toulouse, signe les créations parmi les plus ambitieuses de l’époque.

À cette période, Jean François Porchez est actif au sein des Rencontres de Lure, où il échange avec Mandel, Mendoza et les nombreux intervenants étrangers qui viennent en Provence. Il est également impliqué dans l’Association typographique internationale, dont il sera président quelques années plus tard. En 1998, le congrès international de l’Atypi se tient à Lyon et fait l’objet d’un hommage à Gérard Blanchard, disparu quelques mois plus tôt. À cette occasion est publié un fascicule, Lettres françaises, mis en page par SpMillot, qui fait état de la création typographique dans l’Hexagone. Dans la préface, Gerard Unger évoque malicieusement «La frontière de la bière et du vin»: il utilise cette image pour désigner les différences et les circulations entre la typographie néerlandaise et la typographie française. Il s’avère que cette frontière semble encore, à l’époque, couper la France en deux.

En 1997, l’ANCT quitte l’Imprimerie nationale pour rejoindre l’Ensad, et devient l’ANRT. Peter Keller remplace le mot Création par le mot Recherche: une démarche visionnaire, qui traduit sa volonté d’ouverture et, déjà, son ambition de viser le grade de master européen. L’Atelier déménage à nouveau en 2000 à l’École nationale des beaux-arts de Nancy (devenue Ensad Nancy), avec une équipe en partie renouvelée (avec Peter Keller, Jean Widmer, Hans-Jürg Hunziker, mais aussi Jean-Philippe Bazin, André Baldinger et Philippe Millot). Une période très dynamique, qui pâtit toutefois d’un manque de communication vers l’extérieur.

Suite à un changement de direction à l’école de Nancy, la situation va rapidement se dégrader, jusqu’à conduire à la démission de l’ensemble de l’équipe en juin 2006. Malgré les avertissements répétés, rien ne sera fait alors à Nancy pour sauver cette formation. Le coup est rude pour l’enseignement de la typographie en France. Vingt ans après sa création, ayant formé une centaine d’étudiants du monde entier, l’aventure de l’Atelier prend fin.

En 2008, dans un entretien de Samuel Vermeil avec Annick Lantenois et Gilles Rouffineau, ce dernier en fait le constat amer et lucide :«L’ANRT a sans doute été l’un des lieux en France où quelque chose comme la recherche en typographie a vraiment existé, compte tenu de la qualité des gens qu’il a formés. Plusieurs travaillent aujourd’hui dans les écoles d’art. Il avait à peu près tout pour être un lieu de recherche: un champ d’investigation précis, une certaine exigence, l’ouverture à des formes neuves… Mais en même temps, sur le plan de la communication, c’est un échec complet. […] [son histoire] n’a jamais été communiquée autrement que par une belle affiche annuelle.»

Le Scriptorium de Toulouse avait fermé ses portes en 2005, et l’ANRT en 2006; l’année suivante, le cours hebdomadaire de Jean François Porchez à l’Ensad est également interrompu. En 2007, l’école Estienne est le seul endroit où un apprentissage du dessin de caractères est encore dispensé en France. Cette situation préoccupante va toutefois provoquer un rebond spectaculaire, et amorcer une véritable relance de la typographie en France.

Une génération d’étudiants, diplomés de l’école Estienne ou d’écoles supérieures d’art, quitte la France pour intégrer des masters spécialisés en type design. C’est le cas, par exemple, de Laure Afchain, Charles Mazé, Yohanna My Nguyen au Type[Media, master de la KABK de La Haye; ou de Malou Verlomme, Jérémie Hornus, Émilie Rigaud, Alice Savoie, Amélie Bonnet, Mathieu Réguer, Adrien Vasquez au MATD de l’Université de Reading.

Ces étudiants vont y trouver un enseignement de grande qualité, au contact de la scène internationale. Ils découvrent d’autres méthodes, d’autres interlocuteurs, de nouvelles collections, et (détail qui a son importance) s’expriment en anglais: cette barrière linguistique a longtemps accentué l’autarcie de la scène française. Beaucoup d’entre eux poursuivent leur cursus en intégrant de grandes fonderies: Alice Savoie et Malou Verlomme chez Monotype, Amélie Bonnet, Naïma Ben Ayed et Jérémie Hornus chez Dalton Maag, etc.

Dans le même temps, une nouvelle génération d’enseignants (pour beaucoup issus de l’ANRT) introduit la création de caractères dans les écoles d’art et de design par le biais de workshops, d’ateliers de recherche et de cours réguliers.

2009: une dynamique nouvelle

En 2009, invité à m’exprimer pour la première fois dans Graphisme en France, je plaidais pour Un apprentissage élargi du dessin de caractères: «Je pense qu’il est profitable d’intégrer le plus tôt possible la pratique du dessin de caractères lors de l’apprentissage du graphisme. Pas dans l’optique d’une spécialisation, mais plutôt comme une manière d’aborder “de l’intérieur” les formes typographiques, de mieux les comprendre.» Mes convictions sont les mêmes aujourd’hui. J’ai découvert la typographie aux Beaux-Arts de Besançon, avec Claude-Laurent François; Gérard Blanchard y était coordinateur de la section communication dans les années 1980, et son empreinte était encore forte à l’époque. J’ai enseigné dans cette école entre 2002 et 2012, et intervenais régulièrement à l’Esad d’Amiens. Pendant cette période, j’ai animé des dizaines de workshops de sensibilisation à la création de caractères: une pratique souvent perçue comme mystérieuse et inaccessible, mais qui me semble utile, voire essentielle à la formation de designer graphique.

Mes choix rejoignaient ceux de plusieurs typographes de ma génération: exercer en indépendant, revendiquer une pratique ouverte (mêlant design graphique et typographique), développer des recherches personnelles et enseigner.

Ainsi de David Poullard (1972), diplômé de l’école Estienne, qui poursuit ses recherches sur la lettre dans la rue à Paris 7 puis à l’ANRT (1997–1998): l’Ordinaire, caractère inspiré des lettrages du métro parisien, irrigue depuis ses créations poético-typographiques et son travail graphique. Enseignant à l’Esad •Grenoble •Valence entre 2009 et 2018, il intervient aujourd’hui à l’ESA d’Aix-en-Provence.

C’est le cas aussi de François Chastanet, dont les recherches sur les écritures urbaines questionnent à la fois l’écriture, la typographie et le graffiti. Chastanet étudie à l’ANRT en 2000–2001 avec Alejandro Lo Celso (1970), typographe argentin issu, l’année précédente, de la première promotion du master de type design de l’Université de Reading. Lo Celso va, dans les années qui suivent, animer de nombreux workshops en France, dont il sera question plus loin.

Ou encore de Jérôme Knebusch (1978), qui croise Chastanet et Lo Celso à Nancy, avant d’intégrer, en 2005–2006, la dernière promotion de l’ANRT avant sa fermeture temporaire. Il y dessine l’Instant, remarquable réflexion sur le rythme et la cursivité au sein d’une famille typographique. Mathieu Cortat étudie la même année à l’ANRT, et y dessine le Stockmar, un romain baroque à trois italiques; il devient par la suite assistant-conservateur au musée de l’Imprimerie de Lyon où il constitue, avec Alan Marshall, le Corpus typographique français. Après être intervenu au sein de l’Observatoire des polices à l’Ensab de Lyon, Mathieu Cortat dirige depuis 2016 le prestigieux master type design de l’Ecal, à Lausanne.

MESSINE, projet de design typographique mené depuis 2011 par Alejandro Lo Celso (à gauche) et Jérôme Knebusch à l’École supérieure d'art de Lorraine, Metz.

L’enseignement de la création de caractères en France aujourd’hui

Depuis une dizaine d’années, l’enseignement de la création de caractères a largement pénétré les formations françaises, en premier, deuxième et troisième cycles. À l’école Estienne bien sûr, nous l’avons vu, ou à l’Esad d’Amiens, à l’Ensad de Paris ou à l’Ensad de Nancy, dont il sera question plus loin. Mais aussi dans les écoles d’art et de design, à la faveur de cours, de workshops ou de projets de grande ampleur. Quelques exemples :

À l’Institut supérieur des arts de Toulouse (Isdat), François Chastanet insuffle dès son arrivée une pratique du dessin de caractères empreinte de ses recherches personnelles sur les écritures urbaines. En 2006–2008, il invite Alejandro Lo Celso pour réaliser avec les étudiants(notamment Laure Afchain et Géraud Soulhiol) un caractère inspiré par la ville de Toulouse, le Garonne, qui est utilisé depuis par la municipalité pour ses supports de communication. D’autres ateliers, expositions et workshops suivront, comme, dernièrement, l’atelier de recherche et de création Monolinear, avec les interventions de Lo Celso, Hans-Jürg Hunziker, Frederik Berlaen et moi-même. Ces initiatives pédagogiques ont donné lieu à une publication rétrospective, Lettres de Toulouse, chez l’éditeur B42. Même si les deux formations n’ont jamais été connectées, il est remarquable de constater qu’après le Scriptorium se développe à nouveau à Toulouse un enseignement typographique très dynamique, centré sur le geste de l’écriture.

Isdat Toulouse, lettres peintes pour les Journées portes ouvertes 2018. Lettrage obtenu par superposition de deux gestes calligraphiques d'orientations différentes. Lori Marsala, Guillaume Berneau, Sarah Spruijt sous la direction de François Chastanet.

À l’École supérieure d’art de Lorraine de Metz (Esal), Jérôme Knebusch invite lui aussi Alejandro Lo Celso, avec qui il engage en 2011 un projet d’une ampleur inédite: le Messine, un caractère transitionnel (entre Baskerville et Didot) destiné aux publications de l’école. Chaque année, un nouveau workshop permet d’accroître la famille: le design est conçu à plusieurs, au sein de chaque promotion et, plus remarquableencore, d’une promotion à l’autre. Un workflow itératif et collectif, admirable par ses résultats mais aussi par la dynamique pédagogique qu’il développe sur plusieurs années.

Dans la même école, Jérôme Knebusch lance en 2015 «Pangramme», une exposition internationale de caractères typographiques d’étudiants. Fin février 2016, à la clôture de l’appel à candidatures, le résultat dépasse toutes les espérances: 194 dossiers déposés, provenant de 25 pays. Ce succès reflète l’extraordinaire vitalité de la création de caractères typographiques aujourd’hui, dans les écoles d’art et de design du monde entier: une situation inconcevable ne serait-ce qu’une dizaine d’années auparavant. L’exposition qui en découle sera présentée à Metz, Amiens, Chaumont, Montréal et Leipzig.

À l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (Eesab de Rennes), Benjamin Gomez anime un studio typographique au sein du master Design graphique, qui donne régulièrement lieu à d’ambitieux projets, comme XXI XIX, mené avec Sonia Da Rocha (diplômée du post-diplôme de l’Esad d’Amiens, après avoir collaboré avec Claude Mediavilla et Jean François Porchez), enseignante dans le même établissement sur le site du Havre, et Brice Domingues (Esad de Reims). Les alphabets créés à partir d’affiches du fonds Dutailly ont été exposés à Chaumont lors de la biennale 2017. Ou encore le projet Compagnon, une famille de cinq caractères monochasses mais pas monotones, publiée récemment sous licence libre chez Velvetyne.

À l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon (Ensba), les étudiants créent des fontes dès le premier cycle (avec Damien Gautier et aujourd’hui Alice Savoie), et participent à des workshops chaque année. Cette pratique se poursuit en deuxième cycle, avec Alaric Garnier, qui est issu de l’école. Citons encore l’École supérieure d’art et design de Valence (Esad), pionnière en France dans le champ de la recherche en design graphique, l’École supérieure d’art des Pyrénées (Esa) à Pau, avec Perrine Saint-Martin, la Haute École des arts du Rhin (Hear) de Strasbourg, avec Yohanna My NGuyen, l’École de Création Visuelle (ECV) avec Jean-François Porchez et Mathieu Réguer, ou l’École supérieure d’arts appliqués de Bourgogne (Esaab) à Nevers, véritable vivier de talents, où interviennent depuis quelques années Sarah Kremer et Thomas Bouville lors de workshops annuels. Sans oublier l’action de nombreux enseignant·e·s, en premier et deuxième cycle, tel Hervé Aracil, à l’origine de tant de vocations à l’école Duperré.

Le développement de la recherche

Depuis 2010, le DNSEP, diplôme des écoles d’art et de design sous tutelle du ministère de la Culture, confère au grade de master. Le DNA, en troisième année, au grade de licence (Bachelor), au même titre que le BTS, devenu DNMade depuis la réforme engagée en 2017-2018. Cette harmonisation des formations artistiques au modèle européen de l’enseignement supérieur (le processus de Bologne, LMD) ouvre la voie à la recherche après le master avec, en perspective, le doctorat.

Le post-diplôme Typographie et langage de l’Esad d’Amiens (Esad Type)

L’Esad d’Amiens ouvre en 2006 un post-diplôme intitulé Typographie, systèmes graphiques et langage. Imaginé en prolongement d’un ambitieux projet de notation de la langue des signes (Gestual Script), cette formation va réunir pendant ses premières années Patrick Doan, Sébastien Morlighem, Catherine de Smet et moi-même. Renommé Typographie et langage (et aujourd’hui Esad Type), ce post-diplôme de 18 mois se spécialise à partir de 2008 dans la création de caractères. Son recrutement est international, et les cours sont depuis 2016 donnés en anglais. Le parcours de ses diplômé.e.s témoigne de l’excellente qualité de cette formation: ils et elles sont pour la plupart établi.e.s en tant que type designers et font rayonner la jeune création française bien au-delà de ses frontières: par exemple Damien Collot (Dalton Maag, Londres), Chorong Kim (Sandoll, Séoul), Sandrine Nugue (dont le caractère Orientation est publié chez Commercial Type), Sophie Caron (Alphabet Type, Berlin), ou encore Alisa Nowak, Roxane Gataud et Quentin Schmerber (tous trois au catalogue de Typetogether). L’équipe enseignante est aujourd’hui composée de Frederik Berlaen, Jean-Baptiste Levée, Sébastien Morlighem et Mathieu Réguer.

Au sein de l’unité de recherche De-Sign-e de l’Esad d’Amiens, quatre projets sont menés en parallèles, dont deux portent spécifiquement sur l’écriture et la typographie.

Gestual Script se développe depuis une dizaine d’années. À partir des questions méthodologiques, linguistiques et graphiques soulevées par la transcription du geste, il a donné lieu à plusieurs dispositifs innovants: Photocalli, pour saisir le mouvement; Typannot, une solution typographique et informatique pour permettre aux chercheurs en langue des signes d’annoter des corpus vidéos; en lien avec l’Université de technologie de Compiègne (UTC), Descript et Inscript, un environnement augmenté pour l’apprentissage et la sauvegarde du geste scriptural. Les thèses de Claire Danet (diplomée de l’Esad) et de Patrick Doan (coordinateur du projet) à l’UTC vont, dans les prochains mois, faire la synthèse de la foule de recherches suscitées par ce projet.

Le second axe de recherche, intitulé Typographie, histoire et création, est coordonné par Sébastien Morlighem. Il donne lieu, chaque année depuis 2011, à des colloques et à des expositions thématiques, et constitue progressivement un centre de ressources en typographie. Un projet vient également de s’achever autour de la figure de Ladislas Mandel, en partenariat avec le musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique de Lyon, mené pour l’essentiel par Alice Savoie.

L’Ensad Lab Type est un programme de dessin de caractères et de lectures typographiques mis en place en 2008 par André Baldinger et Philippe Millot à l’Ensad de Paris. L’Ensad renoue alors avec l’enseignement de cette discipline, où avaient successivement enseigné Adrian Frutiger (1952–1960), Albert Boton (1968–2004) et Jean François Porchez (1998–2007). Malgré des moyens modestes, ce laboratoire de recherche va conduire plusieurs projets collectifs, selon des cycles de deux à trois ans, réunissant quatre à six étudiants-chercheurs. Le premier cycle, nommé ELT H/V, est consacré à l’étude comparative de la mise en forme des ouvrages en écriture chinoise et en caractères latins. Suivront trois programmes de création typographique: le premier cycle, qui porte sur les caractères gravés à la Sorbonne autour de 1470, a donné lieu à l’ELT Sorbon R (romain) et à l’ELT Sorbon G (gothique). Le second questionne la lisibilité à l’écran, par le dessin de deux caractères sans empattements, l’ELT Gaston et l’ELT Incision. Le troisième cycle, articulé autour d’un «classique ordinaire», le Times New Roman, s’achève en 2014 avec l’interruption des travaux du laboratoire. Sa relance est aujourd’hui à l’étude.

Les recherches de l’Ensad Lab Type sont présentées lors du colloque «Design graphique, les formes de l’histoire», organisé par le Cnap, le Centre Pompidou, l’Ensad et le Labex Arts H2H (Université Paris 8) en novembre 2014, dont les actes sont publiés chez B42.

L’ANRT

Peter Keller disparaît en juillet 2011, après un long combat contre la maladie; Christian Debize est nommé au même moment directeur de l’Ensad de Nancy et fait de la réouverture de l’ANRT une priorité: il constitue un groupe de travail pour en fixer les conditions. À l’automne 2012, je suis nommé directeur de l’ANRT, avec plusieurs objectifs: traiter et valoriser ses archives, constituer une nouvelle équipe enseignante, définir son projet scientifique, positionner la formation au niveau troisième cycle en l’ouvrant à la recherche, lui redonner un rayonnement international et communiquer davantage. Ces défis ont depuis été relevés grâce à l’équipe constituée de Roxane Jubert, Jérôme Knebusch, Charles Mazé, Émilie Rigaud, Alice Savoie et Jérémie Hornus, ainsi qu’aux six promotions d’étudiants-chercheurs qui se sont succédé depuis 2013.

L’Atelier est aujourd’hui installé dans le nouveau bâtiment de l’Ensad, sur le campus Artem Nancy. Le cursus est aujourd’hui de dix-huit mois, avec un tuilage des promotions qui arrivent tous les douze mois; le recrutement est international et s’appuie à la fois sur les projets proposés par les candidats et sur des programmes de recherche établis avec des laboratoires partenaires. Ce nouveau format a suscité de nombreuses collaborations, dans des domaines aussi variés que les sciences informatiques, la linguistique, l’épigraphie, la cartographie ou l’égyptologie. Une préoccupation fréquente est celle d’interroger le rôle du design typographique dans le champ des humanités numériques: développer des systèmes de notations spécifiques, des outils numériques adaptés, des interfaces de consultation ou des caractères sur mesure… Les problématiques ne manquent pas et peuvent rarement être solutionnées dans les laboratoires qui s’y trouvent confrontés: d’où le choix d’une grande transversalité et d’un dialogue constant avec des spécialistes d’autres horizons. Une volonté forte est de faire de la recherche par le design, en revendiquant la création typographique comme un levier essentiel, et pas seulement un objet d’étude.

Dans le même temps est engagé un travail considérable d’indexation, de numérisation et de valorisation des archives, qui donne lieu en 2016 à l’édition du catalogue ANRT. Archives 1985-2006, puis à une exposition rétrospective au musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique. Ce catalogue raconte en détail l’histoire de l’Atelier (avec des contributions de Sébastien Morlighem, Roxane Jubert et moi-même) et présente les travaux de recherche qui y ont été menés pendant deux décennies marquées par de profonds bouleversements technologiques.

Des colloques internationaux sont organisés chaque année: «Automatic type design» (en 2014 et 2016), qui traite des innovations technologiques en matière de typographie, et les Rencontres du 3e type (en 2015 et 2018), qui abordent les caractères «ni latins ni non-latins».

Les 25 et 26 avril 2019, un colloque et une exposition intitulés «Gotico-Antiqua, Proto-Roman, Hybrid. 15th century types between gothic and roman» viennent clore à Nancy un vaste programme de recherche initié par Jérôme Knebusch. Ils portent sur les caractères gravés en Europe entre 1458 et 1482, de Mayence à Venise, et le passage de gothique à romain: dans ce cadre, douze workshops ont été organisés ces trois dernières années, en Allemagne, en France et en Italie, qui ont réuni plus de cent cinquante étudiants. Quatorze fontes numériques et un jeu d’initiales ont été créés (puis édités et augmentés par Rafael Ribas et Alexis Faudot, étudiants-chercheurs à l’ANRT) à partir des modèles observés dans les incunables des collections de chaque ville: ils seront diffusés, sous licence libre, à l’ouverture de l’exposition. Une manière de mêler recherche et transmission, et de placer la création de caractères au cœur d’une investigation historique.

Enfin, l’objectif du doctorat a été atteint: Sarah Kremer a soutenu le 20 décembre 2018 sa thèse intitulée «La réalisation matérielle du Französisches Etymologisches Wörterbuch. Impact de la mise en forme typographique sur le développement d’un projet lexicographique». Née d’une collaboration entre l’ANRT et l’Atilf-CNRS (Analyse et traitement informatique de la langue française, le laboratoire du CNRTL ou du TLFI, basé à Nancy), ce doctorat s’appuie sur une création typographique originale, pour répondre au besoin spécifique du FEW, un vaste et complexe dictionnaire pan-lexical du gallo-roman: il s’agit non seulement de créer une famille étendue qui intègre des signes jusqu’ici inaccessibles (comme des caractères phonétiques multi-accentués), mais aussi de développer une stratégie d’encodage pérenne pour sa numérisation, sa forme macro-typographique pour la mise en forme des entrées, une interface de consultation et même une interface de saisie sur mesure pour ses rédacteurs. L’accomplissement de Sarah Kremer est exemplaire, non seulement sur le plan typographique, mais aussi d’un point de vue méthodologique: une recherche par le design, richement référencée, qui dépasse les frontières de notre discipline. Deux autres doctorats sont en cours à l’ANRT: Éloïsa Pérez travaille sur l’apport de la typographie dans l’apprentissage du signe à l’école maternelle (avec le Celsa, Université Paris Sorbonne), et Sébastien Biniek sur la typographie paramétrique au service de la cartographie numérique (avec l’IGN et l’Esad •Grenoble •Valence).

La recherche en typographie à l’Université

Dans Graphisme en France 2014, Alice Savoie déclarait à juste titre: «L’enseignement de la typographie semble donc se trouver aujourd’hui entre de bonnes mains; mais au-­delà de ces perspectives enthousiasmantes, il est essentiel qu’à la revitalisation de la création contem­poraine soit associé un accroissement de nos connaissances sur le sujet, et par conséquent que soient mises en place des pratiques de recherche fondamentales et structurantes.» Le site de Graphisme en France recense à l’heure actuelle dix-huit thèses de doctorat en cours, dans divers laboratoires, et vingt et une thèses soutenues depuis 1987: la plupart sont des recherches sur le graphisme et/ou la typographie envisagés à travers le prisme des sciences humaines et sociales. Cet intérêt naissant du monde académique pour ces questions est bien sûr positif pour l’exploration des corpus et le développement de méthodologies de travail. Dans le même temps, il me semble essentiel de soutenir dans ce domaine une recherche par la pratique, menée au sein des écoles d’art et de design, tout en maintenant une porosité bénéfique avec le monde universitaire.

La formation continue

Jadis parent pauvre, la création typographique est donc aujourd’hui très présente dans les écoles d’art et de design françaises, du premier au troisième cycle. Les générations précédentes n’ont pas eu cette chance: pour rattraper ce retard et ouvrir aussi cette pratique à des usagers professionnels, la formation continue constitue un relais important, qui se développe également.

Type@Paris

Sur le modèle de Type@Cooper, programme intensif de type design développé à la Cooper Union (à New York et à San Francisco), Jean François Porchez crée en 2014 Type@Paris, un programme de cinq semaines d’apprentissage de la création de caractères. Le recrutement est international et s’adresse à des graphistes et directeurs artistiques chevronnés: le programme est dense et s’appuie sur des formateurs professionnels, des visites de collections typographiques françaises et des intervenants du monde entier. La formation rencontre un grand succès, tout comme les conférences publiques qui sont organisées chaque semaine.

Dans son programme, Jean François Porchez revendique une «technique française» du dessin de caractères: la calligraphie d’abord, puis le dessin sur calque, étape essentielle pour fixer les formes avant leur numérisation.

ANRT / Hear

En partenariat avec la Hear de Strasbourg qui développe à cet endroit une offre conséquente, l’ANRT organise également, depuis 2018, des stages de formation continue à destination des professionnels. De courte durée (quatre jours), pris en charge par les fonds de formation, ils permettent de s’initier ou de se perfectionner, selon les cas.

De main en main

La transmission des savoir-faire à l’Imprimerie nationale

Les écoles ne sont pas les seuls endroits où s’opère la transmission. L’Imprimerie nationale, riche d’une histoire et de collections prodigieuses, s’attache ainsi à préserver des gestes et des savoir-faire uniques.

Nelly Gable, l’une des dernières graveure de poinçons en activité dans le monde, prépare la relève et transmet depuis 2013 son savoir-faire à Annie Bocel: sous leur impulsion, et avec l’aide d’Élodie Bayard, la gravure des poinçons typographiques est inscrite depuis 2018 à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel.

Dans la vénérable institution, ce sont non seulement ces gestes séculaires qui se perpétuent mais aussi des formes nouvelles qui voient le jour. Le caractère Faune d’Alice Savoie, commandé en 2017 par le Cnap en partenariat avec l’Imprimerie nationale, en est l’illustration.

Franck Jalleau, Salamandre. Création de huit caractères exclusifs pour l'Imprimerie nationale. Dessins humanistique et linéale en romain, italique, gras et gras italique, 2019.

Mais aussi la naissance, en 2019, de son huitième caractère typographique exclusif. Ce caractère, le Salamandre, est une création de Franck Jalleau, qui intègre l’Imprimerie nationale dès 1987. Depuis plus de trente ans, il crée des caractères pour le fiduciaire, des caractères de commande et des adaptations des types patrimoniaux, latins et non latins. Cette création vient couronner une carrière impressionnante et le place aux côtés de Garamont (les Grecs du Roy, 1544–1550), Jannon, (Romain de l’Université, 1641), Grandjean (1694–1714), Jaugeon (1904), Luce (1773), Marcellin Legrand (1825–1832), Firmin Didot (Didot millimétrique, 1811) et Gauthier (1969–1978). Jalleau incarne ce rôle de passeur, d’une génération à l’autre. Marqué par son apprentissage auprès de Bernard Arinet par la pratique de la gravure lapidaire, il devient à l’ANCT l’interlocuteur privilégié de José Mendoza. Son dessin s’inscrit dans le prolongement de celui du maître espagnol: fortement ancré dans une tradition humaniste mais pas calligraphique pour autant. Des formes saisies, comme gravées, mais jamais figées. Avec souvent d’audacieuses synthèses stylistiques, à la manière des «mécaldes» de Mendoza, et, dès la fin des années 1980, une réflexion sur les familles multistyles—avec par exemple le Jalleau, quatre dessins complémentaires pour trente-deux styles, imaginé pour le Code général des impôts. Une approche du dessin de caractères qu’il transmet depuis plus de vingt-cinq ans à l’école Estienne, et qui trouve, avec cette création historique, son accomplissement.

Si elle prend la forme d’un kaléidoscope, cette histoire nécessairement synthétique est néanmoins marquée par les profonds sillons laissés par quelques figures incontournables: Bernard Arin, Gérard Blanchard, Albert Boton, Hans-Jürg Hunziker, Franck Jalleau, Peter Keller, Ladislas Mandel, José Mendoza ou Jean François Porchez… Témoins d’une période tumultueuse et d’un total changement de paradigme économique et technologique, ils ont inlassablement transmis, échangé, partagé pour permettre l’essor d’une nouvelle génération de designers et d’enseignants. Cette nouvelle génération a dépassé les clivages qui ont opposé, par le passé, des conceptions antagonistes du métier et de sa transmission.

En matière de typographie, la variété des approches ne peut pas faire de mal: dans le cas présent, ces différentes méthodes ont élargi le spectre de la discipline, autorisé toutes les conjugaisons. La scène typographique française est aujourd’hui plus féminine, plus dynamique, plus internationale, plus diverse que jamais. «Pendant des années, dit Gerry Leonidas, j’ai qualifié la typographie française de “géant endormi”. Ces dernières années, je pense que le géant se réveille.» Quel chemin parcouru, en effet, depuis la note de Charles Peignot et les premiers travaux du Cert. Ses membres auront réussi leur pari: la relance de la typographie française, par la transmission.

  • Voir à ce sujet la dissertation d’Alice Savoie au MATD de l’Université de Reading, French Type Foundries in the Twentieth Century. Causes and Consequences of their Demise, septembre 2007, consultable sur www.typeculture.com

  • Ce courrier est intégralement reproduit dans le catalogue Atelier national de recherche typographique ANRT. Archives 1985–2006, Dijon, Les Presses du réel, 2016, pp.40–43.

  • Voir Sébastien Morlighem, «La Graphie latine et la création typographique en France (1949–1961)», dans Enric Crous-Vidal, De la publicitat a la tipografia, cat. exp., Lleida, Museu d’Art Jaume Morera, 2000.

  • Paul Iribe, Choix, Paris, éditions Iribe, 1930.

  • Maximilien Vox, «Pour une graphie latine», Caractères, 1950. Voir également le Dossier Vox préparé par Fernand Baudin et édité par Rémy Magermans, 1975.

  • Adrian Frutiger Caractères. L’Œuvre complète, Bâle, Birkhäuser, 2008, p.77

  • Voir l’article de Roxane Jubert, «Typographie & graphisme. Dissemblances, dissonances… Disconvenance? La France en marge de la “révolution typographique”», dans Isabelle Ewig, Thomas W. Gaehtgens et Matthias Noell (dir.), Le Bauhaus et la France. 1919–1940, Berlin, Akademie Verlag, Centre allemand d’histoire de l’art, 2002.

  • Sur le sujet, voir également la remarquable Histoire du graphisme en France de Michel Wlassikoff, Paris, Les Arts décoratifs et Dominique Carré éditeur, 2008.

  • Georges Bonnin et Charles Peignot, De Plomb, d'encre et de lumière, Imprimerie nationale, p.18–19 et p.22–23.

  • Juliette Flécheux, dans le cadre de son DNSEP à l’Institut supérieur des arts de Toulouse en juin 2018, a mené un remarquable travail d’enquête sur l’histoire du Scriptorium, à partir d’archives publiques et privées et d’entretiens avec de nombreux anciens. La publication de ce Dossier resté sans suite permettrait de lever le voile sur cette formation importante mais largement méconnue.

  • Gauthier est le fameux graveur de poinçon, «à quelques semaines de la retraite», évoqué par Charles Peignot dans sa note de 1979.

  • Ces projets sont présentés en détail dans le catalogue Atelier national de recherche typographique ANRT. Archives 1985-2006, op. cit.

  • Voir Martin Majoor et Sébastien Morlighem, José Mendoza y Almeida, Paris, Ypsilon.éditeur, 2010.

  • La rupture opérée par Frutiger dans la production des caractères typographiques est radicale: il a compris d’emblée l’impact du changement de paradigme que représentait le passage du plomb au film. Les caractères ne sont plus des objets en trois dimensions mais des images en deux dimensions. En réformant l’organisation de la création, il replace le designer au centre du dispositif: en travaillant étroitement avec les ingénieurs (sur les questions liées aux unités qui subdivisent les approches, par exemple), les dessins réalisés dans son atelier peuvent être exploités directement pour la production des matrices. Sur le sujet, voir la thèse de doctorat de Alice Savoie, International Cross-Currents in Typeface Design: France, Britain and the USA in the Phototypesetting Era, Université de Reading, 2014.

  • Heidrun Osterer et Philipp Stamm, Adrian Frutiger. Caractères. L’œuvre complète, Bâle, Birkhäuser, 2009, p.77.

  • Quelques ressources sur Ladislas Mandel: Olivier Nineuil, «Ladislas Mandel, explorateur de la typo française», étapes:, no55,‎ 1999; Alice Savoie, Dorine Sauzet et Sébastien Morlighem, «Everyday Type: Researching Ladislas Mandel’s Typefaces for Telephone Directories (Part 1: Galfra)», Footnotes, issue B, 2017; Alice Savoie, «Everyday Type: Researching Ladislas Mandel’s Typefaces for Telephone Directories (Part 2: Lusitania, Linéale and Nordica)», Footnotes, issue C, 2019.

  • Ladislas Mandel développe ces idées dans ses deux ouvrages parus aux éditions Perrousseaux: Écritures, miroir des hommes et des sociétés (1998), et Du Pouvoir de l’écriture (2004).

  • C’est le titre d’une remarquable exposition présentée du 4 novembre 2016 au 19 mars 2017 au Museum für Gestaltung de Zurich, qui présentait les travaux de cette génération.

  • Voir l’ouvrage de Roger Chatelain, La Typographie suisse, du Bauhaus à Paris, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008.

  • Cette «école suisse» va établir, en grande partie, l’enseignement des fondamentaux du graphisme et permettre l’apparition tardive du modernisme en France. Voir l’essai de Roxane Jubert, «Une génération de passeurs», dans Les Suisses de Paris, cat. exp., Zurich, Museum für Gestaltung, 2016.

  • Citée dans Thomas Huot-Marchand, «Deux conceptions de l’Atelier», dans Atelier national de recherche typographique ANRT. Archives 1985–2006, op. cit.

  • Ibid.

  • Le texte manuscrit de cette conférence est conservé dans le fonds Mandel du musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique de Lyon. Le contexte est raconté dans Le Rôle de Ladislas Mandel dans le Cert et les débuts de l’ANCT, conférence de Thomas Huot-Marchand prononcée lors du colloque «Ladislas Mandel (1921–2006) ou l’humanisme de la lettre» à la Bibliothèque de l’Arsenal, Paris, 11 juin 2018.

  • Sébastien Morlighem, «Champ Fleury 2.0», étapes:, no203, avril 2012, p.28–31.

  • Voir Franck Adebiaye et Suzanne Cardinal, François Boltana et la naissance de la typographie numérique, Gap, Atelier Perrousseaux, 2011.

  • Lettres françaises, specimen de caractères français, Paris, Association typographique internationale/Association pour la diffusion de la pensée française, 1998.

  • «Quelle recherche en école d’art?», dans N+1, recherche et expérimentation en design graphique, numérique et sonore dans les écoles d’art et de design, Saint-Étienne, École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne, 2008, p. 14.

  • Thomas Huot-Marchand, «Pour un apprentissage élargi du dessin de caractères», Graphisme en France, 2009.

  • Voir ses travaux dans les publications Pixação: São Paolo Signature, Toulouse, XGPress, 2007; Cholo Writing: Latino Gang Graffiti in Los Angeles, Årsta, Dokument Press, 2009; et Dishu: Ground Calligraphy in China, Årsta, Dokument Press, 2013.

  • Voir Alice Savoie, «Incarner le texte, une conversation avec Alejandro Lo Celso», dans Nouveau Document, Villeurbanne, éditions Nouveau Document, 2017.

  • www.imprimerie.lyon.fr/imprimerie/sections/fr/documentation/corpus

  • www.ecal.ch/fr/3074/formations/master/type-design/descriptif

  • Alejandro Lo Celso, François Chastanet, Frederik Berlaen, Hans-Jürg Hunziker, Thomas Huot-Marchand, Lettres de Toulouse. Expérimentations pédagogiques dans le dessin de lettres, Paris, B42, 2018.

  • 1 . http ://compagnon.eesab.fr

  • Voir la contribution de Sébastien Morlighem, p.92 de Graphisme en France 2019.

  • Parallèlement aux cours réguliers d’André Baldinger et de Philippe Millot, Émilie Rigaud, Sandrine Nugue ou Alisa Nowak interviennent ponctuellement à l’Ensad sur ces questions, à des niveaux divers.

  • Design graphique. Les formes de l’histoire, Paris, B42, 2017.

  • Philippe Millot et André Baldinger enseignent également à l’ANRT de 2013 à 2015. Jérémie Hornus intègre l’équipe à la rentrée 2016.

  • Exposition «TYPO&!.,– :;?”, 30 ans de créations à l’Atelier national de recherche typographique», Lyon, musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, 10 novembre 2016–12 février 2017.

  • Alice Savoie, «Dessiner la recherche en typographie», Graphisme en France, 2014, p.50–51.

  • www.cnap.graphismeenfrance.fr/page/liste-theses-doctorat

  • Après une période mouvementée, l’Atelier du livre et de l’estampe et le Cabinet des poinçons de l’Imprimerie nationale sont aujourd’hui réunis sur le principal site de production du groupe, proche de Douai. Une collection unique au monde, riche de plus de 500 000 poinçons, de 35 000 ouvrages et d’un grand nombre de machines toujours en activité. C’est la mémoire de l’industrie typographique française, de cinq siècles d’histoire ininterrompue. Une nouvelle dynamique a été insufflée sous la présidence de Didier Trutt, et avec l’arrivée en 2016 de Pascal Fulacher à la direction de l’Atelier du livre.

  • Ce savoir-faire est décrit et illustré dans l’ouvrage de Nelly Gable et Annie Bocel, Dessins de geste. Gravure et poinçon typographique, Paris, éditions des Cendres, 2018.

  • Le premier caractère typographique de Franck Jalleau, Arin, primé au concours Morisawa en 1987, lui rend hommage.

  • Voir Martin Majoor et Sébastien Morlighem, José Mendoza y Almeida, op. cit.

  • «For years I used to refer to  typographic France as “the sleeping giant”. In recent years I think the giant is beginning to wake up.» Gerry Leonidas, entretien avec l’auteur, décembre 2018.