Polices pour les inscriptions monétaires:
transcription typographique des monnaies antiques
Pierson Morgane, «Polices pour les inscriptions monétaires: Transcription typographique des monnaies antiques», dans L’Antiquité à la BnF, 25/11/2021, https://antiquitebnf.hypotheses.org/13908 [Version révisée]
Le projet de recherche Police pour les Inscriptions Monétaires (PIM) a pour objectif la création d’outils adaptés pour retranscrire les informations contenues dans les inscriptions monétaires, au-delà de leur contenu sémantique. Les informations textuelles et les caractéristiques graphiques présentes sur une monnaie peuvent fournir de nombreuses informations concernant son origine et la société dans laquelle elle a été frappée. Mais jusqu’à aujourd’hui, aucune fonte numérique ne pouvait retranscrire à la fois intégralement et fidèlement les inscriptions monétaires. C’est à partir de ce constat que le projet a été initié en 2013 par Florence Codine, alors conservatrice en charge des monnaies mérovingiennes à la Bibliothèque nationale de France (BnF), et est actuellement supervisé par Frédérique Duyrat, directrice du département des monnaies, médailles, et antiques à la BnF.
Le projet PIM
Enjeux actuels de la transcription typographique de l’épigraphie monétaire
Depuis l’apparition de l’impression à caractères mobiles en Europe au XVe siècle, graveurs et typographes ont tenté de reproduire les écritures du monde, et transcrire les inscriptions du passé. Les évolutions technologiques ont donné lieu à diverses méthodes de transcription dans les éditions savantes comme la gravure, la lithographie, l’autographie ou encore la photographie. Au XXe siècle, les humanités numériques ont ouvert de nouvelles possibilités de publication scientifique, en dehors du livre, et en tirant parti des techniques de numérisation de textes et d’images, d’indexation, et de mise en réseau. L’accès aux sources, l’analyse et le traitement des données et leur publication s’en trouvent facilités. Cependant, en dépit des progrès technologiques, la typographie reste souvent le parent pauvre de la recherche académique. Les chercheurs souffrent d’un manque d’outils adaptés pour soutenir et partager leur travaux, tels que des fontes numériques complètes, des interfaces fonctionnelles, et une inter-opérabilité satisfaisante. En l’absence de fontes appropriées et correctement encodées, l’emploi d’images matricielles ou vectorielles pour la transcription des inscriptions limite considérablement la diffusion de la recherche dans divers domaines historiques. Par conséquent, une contribution significative à la recherche en sciences humaines numériques sera apportée par la création et l’utilisation de polices dans des projets d’édition numérique et différentes plateformes en ligne.
La Bibliothèque nationale de France
La BnF abrite au département des Monnaies, médailles, et antiques, communément appelé Cabinet des médailles, l’une des plus remarquables collections mondiales de monnaies (Fig.1), et dont une grande partie a déjà été numérisées et est accessible en ligne via la bibliothèque numérique Gallica. Grâce à cette vaste ressource numérique, et au logiciel NumiPal, il a pu être dressé un inventaire des lettres et de leurs variantes présentes sur les monnaies de leur collection. NumiPal a pour but d’aider les chercheurs à étudier les monnaies de manière très précise (Fig.2), et surtout, à annoter les inscriptions. Dans le cas présent, ce sont non seulement les signes qui ont ont été identifiées, mais aussi toutes les variantes graphiques sous lesquelles ils apparaissent à l’intérieur du corpus (Fig.3).
L’Atelier National de Recherche Typographique
En 2014, le département des monnaies, médailles, et antiques de la BnF a initié un partenariat avec l’Atelier national de recherche typographique (ANRT), 3e cycle de l’École nationale d’art et de design à Nancy, afin de développer une police de caractères numérique qui regrouperait sous une forme unifiée toutes les variantes stylistiques identifiées dans les inscriptions des monnaies.
Ce projet a débuté avec Elvire Volk Leonovitch, étudiante-chercheuse à l’ANRT, sous la direction de Thomas Huot-Marchand et de l’équipe enseignante. Initialement, l’objectif était de développer une police de caractères numérique pour la transcription des inscriptions monétaires mérovingiennes pour les écrans et les documents imprimés (Fig.4).
En 2019, le projet PIM a été étendu à d’autres collections de monnaies anciennes provenant d’Italie, de Grèce, d’Espagne, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L’auteur a donc été en charge de concevoir des polices de caractères pour les systèmes d’écriture phénicien, punique, chypriote, grec archaïque, étrusque, ombrien, osque, paléohispanique, lycien, paléo-hébreu, kharoshthi et nabatéen. Au début du projet, il a été estimé que cette famille de caractères comprendrait 1066 glyphes. Jusqu’à présent, 1550 glyphes ont été conçus, et ce nombre devrait augmenter au fur et à mesure que le projet avance (Fig.5).
Ontologie
Lors de l’annotation du corpus effectuée sur Numipal, les formes identifiées sur chaque monnaie furent inventoriées avec un numéro de référence. Cette base de données permet ainsi de retrouver toutes les formes affectées à une même variante. À partir de cette classification des allographes, une interprétation précise et pertinente des différentes formes graphiques des lettres a pu être déduite. Après ce travail et pour créer la fonte, il restait encore à définir la graphie la plus révélatrice, c’est-à-dire le meilleur compromis possible en réponse aux différents critères de lisibilité du lectorat contemporain et de fidélité aux modèles historiques. Le but était donc de combiner les avantages de la transcription imitative avec ceux de la transcription interprétative pour reprendre des termes utilisés par Marc Smith. Dans cette approche «diplomatique», on distingue l’ontographe, qui est la représentation «standard» du graphème, et l’allographe, qui est une variante morphologique de la lettre (Fig.6).
Encodage
Créé en 1990, le standard Unicode attribue à chaque «caractère» de chaque système d’écriture un code hexadécimal unique. Les «glyphes» compris dans une fonte numérique sont la représentation visuelle de ces caractères. L’Unicode n’a donc pas pour vocation d’intégrer des variantes de graphies, même si certaines variantes sont accessibles pour des modifications locales (comme dans les sinogrammes ou les emojis). Cependant celles-ci font elles-mêmes l’objet d’une normalisation, et ne sont pas adaptées au cas présent des inscriptions monétaires.
Dans le schéma d’encodage adopté dans le projet PIM, les allographes partagent le même code que l’ontographe concerné. L’accès aux variantes de glyphes se fait donc via les fonctionnalités OpenType intégrées dans la fonte. D’un point de vue technique, les ensembles stylistiques OT (Stylistic Sets ss01-ss20) n’ont pas été utilisés en raison de la limitation à seulement 20 variantes pour chaque glyphe, ce qui n’est pas suffisant dans le cadre de la numismatique. Les variantes de caractères (Character Variants cv01-cv99) qui permettent d’intégrer jusqu’à 99 variantes par glyphe, ont donc été privilégiées.
Création des fontes PIM
La première phase de développement du projet à partir du corpus mérovingien entre 2014 et 2015 a donné lieu à la création de la fonte PIM Latin (initialement nommée Meroweg). Dessinée par Elvire Volk Leonovitch, la fonte contient 345 glyphes. Elle est relativement grasse et avec des fûts légèrement évasés pour produire un contraste typographique et la distinguer des autres polices de caractères utilisées pour composer le texte qui l’entoure (Fig.7). Lorsqu’en 2019 le projet s’est étendu au corpus des monnaies antiques, il a été convenu de conserver ces même caractéristiques graphiques.
Plutôt que réunir l’ensemble des systèmes d’écriture en un seul fichier, il a été décidé de créer une fonte pour chaque système. Ce choix c’est fait en partie pour des raisons de simplicité d’utilisation: les chercheurs peuvent ainsi cibler plus aisément le système d’écriture concerné dans leur sujet d’étude. Aussi, d’un point de vue plus technique, certains systèmes d’écriture partagent le même encodage Unicode comme le phénicien avec le phénicien-punique et le paléo-hébreu, ou encore l’étrusque avec l’ombrien et l’osque. Le but du projet n’étant pas d’unifier et de simplifier les inscriptions monétaires, mais au contraire d’être le plus possible exhaustif et précis dans les caractéristiques de chaque écriture, la création de fontes spécifiques était une solution évidente.
Les systèmes d’écritures PIM
Phénicien et phénicien-punique
Intégrer les légendes dans les publications a toujours été un défi pour les chercheurs en numismatique (Fig.8). Surtout dans le contexte du phénicien qui a énormément évolué au fil des siècles. Par exemple, en 1867 et à l’initiative d’Ernest Renan, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a chargé l’Imprimerie Nationale de graver des caractères de transcription afin de publier une étude de toutes les inscriptions sémitiques connues intitulée Corpus Inscriptionum Semiticarum (Fig.9). Le Phénicien classique gravé par l’Imprimerie Nationale est basé sur l’inscription du sarcophage d’Eshmunazar II considérée comme emblématique de l’écriture de la métropole de la Phénicie (Fig.10). Ce sont donc ces deux sources qui ont permis de dessiner les ontographes de la police PIM Phoenician.
Les légendes sur les monnaies produites dans les cités phéniciennes de haute époque (soit sous domination perse, VI-IVe s. av. n. è., et dans une moindre mesure à l’époque hellénistique) présentent des lettres soignées et facilement reconnaissables (Fig.11). Avec l’apparition des monnaies de bronze sous la domination hellénistique (dynastie ptolémaïque, puis séleucide), la qualité des inscriptions s’est progressivement dégradée.
La pièce de bronze illustrée à la figure 12 a été frappée sous Antiochos IV, un souverain séleucide qui régna vers 175 à 164 av. n. è. et qui a émis de grandes quantités de numéraires de bronze bilingues, particulièrement en Phénicie sur lesquels les caractères grecs côtoient les inscriptions phéniciennes.
Les variations des lettres phéniciennes sont importantes et pour un alphabet de 22 lettres, 145 variantes ont été identifiées dans les collections de la BnF (Fig.13). Par conséquent, l’ensemble de ces allographes ont été inclus dans la police PIM, à la suite des ontographes plus consensuels et plus faciles à identifier (Fig.14). En raison des qualités hétérogènes des monnaies, il s’agissait de trouver une représentation adaptée à partir des inscriptions, des références et surtout des analyses et des descriptions fournies par les spécialistes de la BnF (Fig.15).
Étant donné que les chercheurs seront les principaux utilisateurs de ces polices de caractères, il était essentiel de concevoir un outil précis pour faciliter et encourager leurs recherches. Par exemple, le projet PIM a aidé des chercheurs à déterminer que l’allographe «aleph 20» (Fig.16) n’était représenté que sur des monnaies carthaginoises représentant un éléphant. Cela a permis de déterminer que certains allographes pouvaient être attribués à des ateliers monétaires spécifiques. Répertorier les variantes morphologiques permet également aux chercheurs de développer une réflexion historique et géographique à partir de l’étude des variations de lettres. Cette approche, soutenue par les théories du material turn dans lesquelles les artefacts physiques sont considérés comme des incarnations significatives des processus sociaux, semble avoir pris un nouvel élan au cours des dernières décennies dans les sciences humaines et sociales.
La langue punique, qui était surtout utilisée en Afrique du Nord, est liée à une branche du phénicien appelée phénicien-punique. Dans le corpus de PIM, 88 allographes sont communs au phénicien sur un total de 181 allographes.
Voyons à présent une monnaie d’argent punique, de 300 à 289 av. n. è. et étudiée en 1978 par G.K. Jenkins dans son article «Coins of Punic Sicily». Deux modes de reproductions de l’inscription sont proposés : d’abord, dans la section iconographique se trouve une photographie à l’échelle 1 de la monnaie, et ensuite une transcription manuscrite proposée par l’auteur associée à un numéro de référence est accessible à travers un index des légendes (№273) (Fig.17). Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, il est possible d’avoir une image de haute qualité de la monnaie ainsi qu’une transcription textuelle avec une police numérique consensuelle. Il est également possible d’intégrer la transcription dans l’article avec la translittération, et de cette manière, la rendre plus lisible. Ces outils peuvent également faciliter la création de listes des légendes de la collection et ainsi les comparer plus aisément.
Grec archaïque
Le grec archaïque a fait l’objet de nombreuses études et toutes les variantes ont pu être identifiées dans The Local Script of Archaic Greece de Lilian Hamilton Jeffery (Fig.18). Compte tenu de l’abondance des sources, deux «standards» correspondant à deux époques différentes ont été conçus, permettant d’étendre l’utilisation de la police PIM dans d’autres études que celles du cadre de la numismatique. Les formes de lettres les plus récentes sont basées sur des inscriptions du IVe siècle avant notre ère et sont les plus proches de la forme actuelle des capitales grecques. Pour le deuxième style, les caractéristiques des lettres datent du VIe siècle avant notre ère (Fig.19).
Le fait de comparer des monnaies grecques de différentes époques et ateliers permet d’évaluer l’évolution morphologique des lettres en fonction de l’époque, mais aussi de la main des graveurs. Ainsi la drachme de Zankle (Fig.20) fait connaître des graphies archaïques pour le delta et le lambda.
Étrusque, osque, et ombrien
L’«ancien italique» est une convention adoptée pour la norme Unicode. Il unifie un certain nombre d’alphabets historiques connexes de la péninsule italienne qui ont été utilisés pour les langues non indo-européennes. Toutefois, l’unification de ces alphabets en une seule écriture «ancien italique» nécessite des polices spécifiques aux différentes langues, car les glyphes les plus couramment utilisés peuvent différer selon la langue représentée. Dans le projet PIM, l’attention est portée sur les alphabets étrusque, osque et ombrien. Par conséquent, et comme indiqué précédemment, les chercheurs auront accès à différentes fontes, c’est-à-dire différents fichiers de polices, pour chacun de ces trois systèmes d’écriture (Fig.21).
Les inscriptions monétaires étant le plus souvent courtes, il n’est pas toujours possible de reconstituer à partir de cette seule source l’ensemble de l’alphabet (Fig.22). Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires afin de trouver l’ontographe approprié, et ainsi, compléter la police de caractères.
Hébreu et paléo-hébreu
Le paléo-hébreu, également connu sous le nom de proto-hébreu, était le système d’écriture utilisé dans les royaumes historiques d’Israël et de Juda. En comparant les lettres de l’hébreu, du paléo-hébreu et de ses variantes, avec le phénicien, il est possible de déduire le ductus et l’ordre des tracés (Fig. 23). Par exemple, avec la lettre beth, on remarque la récurrence d’un tracé fermé sur le dessus, qui est ouvert en hébreu, et d’un tracé vertical descendant pour finir presque horizontal. Dans la lettre tsadi, il y a un tracé qui vient du haut pour se joindre au milieu d’un long tracé vertical par un mouvement de haut en bas (Fig. 24). Ce type d’hypothèse est essentiel dans ce projet dont le but n’est pas de faire une représentation fidèle avec les même détails morphologiques, mais de mettre en évidence les tracés de base qui sont les plus pertinents pour chacune des variantes inventoriées.
La monnaie de la figure 25 a été frappée en Palestine durant la révolte juive, vers 67-68 d. n. è. L’inscription au-dessus du calice, en caractères paléo-hébreux, indique qu’il s’agit du «sicle d’Israël». Au revers dans un grènetis, est inscrit «Sainte Jérusalem» autour d’une branche portant trois grenades.
Une fonte complémentaire PIM Hebrew pour l’hébreu moderne a été dessiné pour traduire les inscriptions paléo-hébraïques, ce qui permettra aux chercheurs de transcrire dans la bonne langue et les bons sons, sans recourir à la translittération.
Nabatéen
Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que les systèmes d’écriture syriaque et arabe ont beaucoup en commun avec le système d’écriture nabatéen. C’est en ce sens que la police nabatéenne a été dessiné en analogie avec les lettres phéniciennes, araméennes, syriaques et arabes (Fig.26–27). Au fur et à mesure que le nabatéen s’est développé, des conjonctions et des formes finales ont été introduites. Dans le cas du projet PIM, les lettres présentes sur les monnaies étaient isolées, mais si le besoin d’introduire des lettres jointes se fait sentir, pour les transcriptions épigraphiques par exemple, il sera possible d’étendre la fonte dans une direction plus cursive. Quelques variantes ont été incluses à partir de sources externes afin de la rendre utilisable pour d’autres études.
La monnaie de bronze nabatéenne en figure 28 comporte l’inscription «Aretas» [Aretas IV, roi des Nabatéens], et «Shaqilat», la seconde épouse et co-souveraine d’Aretas IV, accompagnés de leurs portraits au droit. Au moins quatre degrés de transcription différents sont possibles pour cette inscription. La première est une transcription dite «imitative» ou «diplomatique» en utilisant les variantes de la police de caractères. La deuxième est une «transcription sémantique» en utilisant l’ontographe, qui est une forme plus conventionnelle de l’écriture. Ensuite, il y a la translittération, avec l’utilisation ici de caractères romains, et enfin, la traduction.
Lycien
Le lycien était utilisé pour écrire une ancienne langue indo-européenne de l’Anatolie occidentale. C’est un système d’écriture alphabétique, qui s’écrit de gauche à droite, et est soit dérivé directement du grec, soit étroitement lié à celui-ci (Fig.29). Avant la conquête perse, les Lyciens étaient politiquement organisés dans un système fédéral, et même après leur soumission, les institutions à l’intérieur de ce système ont continué à être efficaces et indépendantes. La plus ancienne monnaie de Lycie—alors sous domination perse—date du Ve siècle avant notre ère, époque du règne de de Xerxès, fils de Darius Ier. Le symbole de la Lycie est un emblème solaire représenté par le triquètre que l’on voit sur la plupart des revers des monnaies (Fig.30).
Chypriote
Le syllabaire chypriote a été utilisé pour écrire le dialecte chypriote du grec depuis le VIIIe jusqu’au IIe siècle avant notre ère. Structurellement, le syllabaire chypriote consistait en des combinaisons allant jusqu’à douze consonnes initiales et cinq voyelles (Fig.31).
Dans notre corpus, seules les monnaies d’Amathonte, Idalion, Marion, Paphos et de Salamine ont des légendes utilisant le syllabaire chypriote. La frappe monétaire locale et indépendante dans l’île de Chypre commence au Ve siècle avant notre ère et s’arrête après la conquête de l’île par Ptolémée Ier Sôter en 312 avant notre ère pour se poursuivre sous l’égide des puissances conquérantes, grecques hellénistiques, romaines, etc.
La police PIM contient également les signes de ponctuations nécessaires pour indiquer d’autres informations, tel qu’on peut le voir dans la légende de la monnaie figure 32, où des lettres sont abimées ou effacées.
Publication des fontes PIM
Licence d'utilisation
L’Open Font License (SIL-OFL) sera utilisée et la publication des fontes se fera sur un référentiel public (GitHub). L’accessibilité aux sources et les conditions spécifiques de la licence d’utilisation permet ainsi de compléter, corriger, étendre et re-distribuer facilement l’ensemble des polices PIM.
Compositeur en ligne
Les humanités numériques ont profondément modifié les méthodes de recherche en sciences humaines, tant du point de vue de l’accès aux sources que de leur diffusion par divers moyens d’édition. De nouveaux outils numériques aident les chercheurs à explorer, diffuser et remettre en question les connaissances établies. Cependant, il est important de réévaluer continuellement leur efficacité et leur intuitivité. Par exemple, les logiciels de bureautique généralement utilisés pour la rédaction des articles en sciences humaines comme Microsoft Word ou LibreOffice, sont très limités sur le plan typographique. L’accès à d’autres systèmes d’écriture que l’alphabet latin y est compliqué, et de nombreuses fonctionnalités OpenType ne sont pas implémentées.
Fort de ce constat, le projet PIM s’est poursuivit avec le développement de la version Alpha d’un éditeur de texte en ligne par l’ANRT et développé par Sylvain Julé (Fig.33). Publié sous licence GNU AGPL3, ce compositeur permet d’afficher et composer des textes dans tous les systèmes d’écriture abordés, tout en offrant un accès visuel simplifié aux ontographes et allographes. Cet outil limite également les risques de confusion entre les glyphes aux formes voisines qui occasionnent des erreurs d’encodage du texte.
Conclusion
Fruit d’une collaboration étroite entre la BnF et l’ANRT, le projet PIM a ouvert de nombreuses perspectives. L’attention particulière portée à la création de caractères typographiques a permis à l’auteur d’étudier une partie des plus anciens systèmes d’écriture du monde, et de comprendre comment ils ont pu s’influencer les uns les autres.
La multiplicité et la diversité des morphologies de lettres qui composent les fontes PIM constituaient un défi de dessin et d’architecture des fichiers pour permettre leur utilisation au sein de publications scientifiques. L’attention portée à l’encodage Unicode et à l’ergonomie des outils de composition garantit une précision morphologique, une traçabilité des sources et des possibilités d’indexation et de recherche textuelle.
Ce projet met en évidence combien la création d’outils typographiques sur-mesure peut contribuer à la qualité de catalogues en ligne et de publication savantes. Par un échange fertile entre théorie et pratique, il est possible de faire progresser la recherche en typographie et en sciences humaines, et ainsi améliorer les méthodes d’accès et de partage des connaissances.
Remerciements
Je souhaiterais exprimer mes sincères remerciements à tous ceux qui ont participé à ce projet, Thomas Huot-Marchand, Frédérique Duyrat, Gaëlle Thevenin, Caroline Carrier, Julien Olivier et Sylvain Julé. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude aux conseillers externes Donald T. Ariel, Shani Avni, Dominique Briquel, Françoise Briquel-Chatonnet, Gerry Leonidas, Evi Markou, Andrew Meadows, Laïla Nehmé, et Ian Rutherford.
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Codine-Trécourt, Florence and Sarah Guillaume (2012). “Du plomb au pixel. Transcrire les légendes des monnaies du haut Moyen Âge.” In: Revue numismatique 168, pp. 261–277. →
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Le terme «police» désignait à l’époque du plomb le nombre de signes contenus dans un caractère typographique, à une taille donnée. Il est utilisé aujourd’hui de manière générique pour désigner un caractère typographique. Nous préférerons employer ici le terme fonte numérique ou fonte pour désigner le fichier informatique qui regroupe à la fois les représentations des glyphes, leur encodage et les valeurs d’espacement. →
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Le terme « transcription » est utilisé ici pour désigner le passage d’une forme écrite ou inscrite à une forme typographique. →
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Thevenin, Gaëlle (2018). “Projet de Polices des Inscriptions Monétaires: le cas des monnaies ibériques et carthaginoises.” L’Antiquité à la BnF, https://antiquitebnf.hypotheses.org/2074. →
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Volk Leonovitch, Elvire (2014 ). PIM. Police pour les Inscriptions Monétaires. Nancy: Atelier National de Recherche Typographique →
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Développé conjointement par Microsoft et Adobe à partir de 1996, les polices OpenType peuvent inclure un jeu de caractères et des fonctionnalités de mise en page étendus, offrant une prise en charge linguistique plus large et un contrôle typographique plus précis. https://www.adobe.com/products/type/opentype.html →
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Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1907). Corpus Inscriptionum Semiticarum. Pars Secunda. Inscriptiones Aramaicas Continens. Vol. II Fasciculus Primus. Paris : Republicae typogrpapheo. →
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Jenkins, G. K. (1978). “Coins of Punic Sicily. Part 4: Carthage.” In: Swiss Numismatic Review 57. 5–6. →
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Jeffery, Lilian H. (1963). The Local Scripts of Archaic Greece. Oxford Monographs on Classical Archaeology. Oxford. →
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Kraay, Colin M. (1966). Greek Coins. London: Thames and Hudson. →
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Cette logique a déjà été adoptée par les numismates pour établir la chronologie de certaines émissions, par exemple pour Heraia d’Arcadie à partir de l’évolution de la graphie de l’epsilon. Voir Roderick T. Williams, “The Archaic Coinage of Arcadian Heraea“, American Numismatic Society Museum Notes, 1970, Vol. 16 (1970), pp. 1-12. →
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Everson, Michael et al. (2000). “European Alphabetic Scripts, 7.10 Old Italic.” https://www.evertype.com/standards/iso10646/pdf/old-italic.pdf. →
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