Cette recherche vise à créer un système typographique adapté à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Au cours des dernières années, des programmes spécifiques ont vu le jour dans les écoles françaises pour inclure dans le système scolaire traditionnel des enfants avec un retard, un handicap ou un déficit. Comme ces enfants présentent un risque élevé d’échec scolaire à long terme, ils bénéficient à la fois d’un programme ordinaire en classe et d’un programme spécialisé en groupe. Ces dispositifs étant relativement récents, les éditions scolaires tentent d’année en année d’adapter les méthodes de l’éducation ordinaire aux nouvelles pratiques inclusives de l’enseignement.

Étonnamment, la question de la typographie est rarement posée. La forme des lettres étant fondamentales pour décoder les graphèmes, nous sommes sommes en droit de nous demander: dans quelle mesure la typographie influence-t-elle la lecture et son apprentissage, et si elle peut l’aider d’une quelconque manière pour répondre aux problématiques de l’école inclusive. Enfin, qu’en est-il de la dyslexie, qui est un trouble commun affectant la réception de l’écrit. En étudiant les mécanismes impliqués dans la lecture et l’influence de la dyslexie sur ces mécanisme, je suis parvenue à la conclusion qu’aucun paramètre typographique particulier n’augmenterait les performances d’un lecteur dyslexique par rapport à un normolecteur.

Par contre, il y a des paramètres typographiques qui affectent négativement l’effort de lecture, et ceux-ci ont un effet radical sur les lecteurs dyslexiques. Si la typographie ne « boostera » pas les performances de lecture; ne pas penser son dessin et son utilisation pourrait empêcher un enfant dans les apprentissages d’accéder normalement à un texte écrit. Il est donc essentiel de concevoir le matériel pédagogique de manière accessible, ergonomique et agréable pour un lecteur de cet âge. Les caractères typographiques cursifs et romain sont souvent utilisées ensemble mais sans harmonie, ni cohérence, dans de nombreuses ressources pédagogiques. Borel Sans et Borel Cursive ont été créés à cet égard. Ils sont assez robustes et peu contrastés avec une chasse légèrement arythmique. Les lettres sont ouvertes et bien distinctes, dans le respect des règles de l’écriture cursive des écoles françaises. Le roman et la cursive suivent une même logique de ductus: le roman est plus humaniste que géométrique. De plus, il semble approprié de se demander comment penser la typographie pour l’apprentissage conjoint de la lecture et de l’écriture. Le ductus, entre autres, aide à mémoriser les lettres et les graphèmes, ainsi qu’à les différencier. Tracer les signes pourrait clarifier le principe de correspondance entre les graphèmes et les phonèmes. D’autre part, nous observons une dichotomie entre les styles romain et cursif: les signes que l’on apprend à lire sont assez différents des signes que l’ont apprend à écrire. Une forme « transitionnelle » permettrait de mieux comprendre le lien entre ces deux représentations éloignées de l’écriture et celle sur laquelle j’ai travaillée est dessinée pour être gravée par des machines à commande numérique. J’ai nommé cette police de caractère « Borel » en hommage à Suzanne Borel-Maisonny, pionnière dans le domaine de l’orthophonie.