L’histoire par le dessin: potentiels et objectifs de la réhabilitation typographique de caractères anciens
Texte issu de la publication Gotico-Antiqua, proto-romain, hybride. Caractères du XVe siècle entre gothique et romain, éditée par Jérôme Knebusch et co-publiée par l’Atelier National de Recherche Typographique (ANRT), ENSAD Nancy et Poem en 2021.
Le début de l’histoire de la typographie retient essentiellement deux personnages, Johannes Gensfleisch dit Gutenberg et Nicolas Jenson. Le premier est responsable de l’invention de l’imprimerie moderne, le second de la conception d’un archétype typographique qui fait office de canon jusqu’à aujourd’hui. Si leur renommée n’est pas à remettre en cause, elle occulte souvent une donnée extraordinaire: quinze ans seulement séparent ces deux faits majeurs. Un peu plus d’une décennie entre les premières fontes de caractères transposées des écritures bâtarde et Textura, et celle d’un modèle romain inédit. C’est ainsi dans cet intervalle, et à travers l’expérience itinérante des premiers imprimeurs en Europe occidentale, que s’opèrent les transitions du manuscrit à l’imprimé, et du gothique au romain. En pleine Renaissance, les échanges fertiles entre les cultures germanique et latine se retrouvent dans la forme typographique.
Malgré l’attrait de cette épopée fulgurante et fondatrice, les caractères de la période restent peu étudiés, et leurs attributs de transition ou d’hybridation négligés. La disparition totale du matériel typographique de l’époque et de potentiels dessins préparatoires, la profusion d’influences, de styles et d’intentions, et les distances temporelle, culturelle et technique avec l’objet d’analyse ne facilitent pas la prospection. À quoi s’ajoute un manque d’échanges entre les champs de recherche de la paléographie, de l’histoire du livre et de la typographie. À partir de ce constat, une étude contemporaine des premiers caractères typographiques est-elle envisageable?
Jérôme Knebusch, initiateur d’un programme de recherche dédié de l’Atelier national de recherche typographique (ANRT), secondé par son directeur, Thomas Huot-Marchand, a assemblé un corpus d’une soixantaine de caractères représentatifs de la période et a entamé, avec des écoles d’art et des bibliothèques partenaires, la réhabilitation de quinze d’entre eux. Le projet a pour ambition d’éclairer ce pan méconnu de l’histoire typographique, en mettant l’expertise du dessinateur de caractères à disposition de la recherche.
C’est d’octobre 2017 à mars 2019 que nous, Alexis Faudot et Rafael Ribas, participons activement à ce projet. Nos deux missions principales durant notre cursus à l’ANRT sont: finaliser une première version des caractères commencés en ateliers collectifs, et concourir à la délimitation et à l’organisation du corpus. À cette occasion, nous avons pu mesurer combien la réhabilitation et les tentatives de classifications peuvent contribuer à l’appréhension historique des caractères prototypographiques.

1. Déroulement et méthode d'un workshop. A. Prélèvement de la source

1.B. Analyse de la source par comparaison

1.C. Étape de dessin manuel au calque

1.D. Corrections et sélection de dessins manuels

1.E. Vectorisation
I. Réhabiliter des caractères anciens: particularités et méthodes
Du texte au type, l’héritage du manuscrit
Les premiers imprimeurs ne disposent pas de modèles typographiques, et il suffit de parcourir quelques ouvrages médiévaux pour s’apercevoir qu’une part considérable de ce que nous appelons aujourd’hui typographie emprunte au texte manuscrit, et plus précisément à celui du codex. L’architecture de la page dans son ensemble: marges, empagement, composition justifiée ou plus rarement en drapeau, sur une une ou plusieurs colonnes, gloses, notes et appels de notes, interlignages serrés ou plus lâches, texte coloré, tout cela existe avant l’invention de Gutenberg. Et puis le travail d’enluminure et des ajouts calligraphiques pour les lettrines, certains passages ou encore le folio sont souvent ajoutés aux compositions typographiques des incunables.
Les usages écrits se retrouvent aussi à l’échelle de la lettre. Les premiers caractères héritent du manuscrit des signes alternatifs contextuels, de nombreuses ligatures et des systèmes d’abréviations et de contractions complexes. Les signes épousent parfois des formes alternatives [variantes contextuelles, fig. 2], se lient [ligatures, fig. 3] ou se contractent [fig. 4]. Les caractères que nous étudions dénotent une forte élasticité de la langue écrite, et se jouent de l’intégrité du signe.

2. Formes alternatives de e, Spira 110R, Venise, 1469

3. Ensemble du jeu de ligatures, Fust & Schöffer ‹Durandus› 118G, Mayence, 1459

4. Abréviations de quid, qua, quam, Sweynheim & Pannartz 115R, Rome, 1467
Par ailleurs, quelques écueils techniques, dus à la précocité de nos specimens, poussent plus loin leur instabilité. Outre que la qualité de la gravure et de l’impression peuvent corrompre des formes, le contrepoinçon ne semble pas encore utilisé de façon systématique, ce qui entraîne des variations dans des groupes de caractères comme b d p q [fig. 5], que nous avons l’habitude de voir apparentés. Enfin, la frappe multiple du poinçon ne semble pas toujours pratiquée, ce qui entraîne des variations entre les signes simples, et les signes composés avec des diacritiques [fig. 6], qui ont des dessins différents [fig. 7].

5. Des contreformes très différentes pour b d p et q, Parix 111R, Toulouse, 1480

6. Changement de forme entre e et e ogon, Spira 110R, Venise, 1469

7. Plusieurs formes pour un même diacritique (tilde), Spira 110R, Venise, 1469
À ce défaut de consistance du signe s’ajoute souvent, pour les caractères qui font l’objet de notre étude, un défaut de constance de style. Certains imprimeurs font cohabiter des capitales rustiques, gothiques, et onciales, d’autres vont jusqu’à graver deux jeux de capitales, l’un gothique et l’autre romain, utilisés simultanément. Le bas-de-casse est aussi constamment emprunt de plusieurs références: des ajouts par emprunt à d’autres caractères se font parfois au fil du temps. Ce sont à ces phénomènes prototypographiques, aussi riches qu’instables, que nous sommes confrontés avec la réhabilitation.
De l’imprimé au vecteur: potentiels et objectifs de la réhabilitation numérique
En vue de mettre en place à la fois les conditions d’une réhabilitation fidèle à nos sources, et une expérience pédagogique bénéfique pour les étudiants, nous appliquons une méthode qui se décompose en trois temps: le prélèvement des sources, leur appréhension graphique, et la numérisation [fig. 1].
L’atelier, composé d’une quinzaine d’étudiants, se déroule sur une période allant de 3 à 5 jours. Il débute toujours par la consultation, en bibliothèque, de l’ouvrage composé avec notre caractère de référence. Pour des raisons de conservation, ce genre d’ouvrage ne peut que difficilement sortir de son foyer. Nous prenons donc une matinée sur place, pour collecter un maximum d’images. Une attention particulière doit être portée sur la collecte de caractères, avec comme objectif d’avoir retenu un jeu complet en fin de session. Trois types de prises de vues sont nécessaires:
Tout d’abord, la page entière, qui nous renseigne sur le gris du texte [fig. 8]. En plus de nous donner des informations sur la composition dans la page et sur l’utilisation des marges, ces images serviront principalement à comparer la source et notre revival à taille réelle pour nous rapprocher au maximum de sa couleur.

8. Comparaison du caractère et de sa réhabilitation à l’échelle de la page. Observation de la texture générale, du gris typographique. Avicenna, Canon medicinae, Strasbourg: Adolf Rusch, après Feb 1473. ☞ ISTC ia01417700 ☞ TW.2:100G
Des paragraphes entiers [fig. 9], pour nous permettre d’étudier la composition des lignes, l’interlettrage, l’espace intermot et l’utilisation de caractères contextuels alternatifs. Quand sont-ils utilisés? À quelle fréquence? Est-ce de manière systématique?

9. Comparaison du caractère et de sa réhabilitation à l’échelle du paragraphe, en agrandissement. Observation des blancs intermot, interlettre, et interligne. Rudolf Koch, Das Blumenbuch, Leipzig: Insel Verlag, 1942.
Enfin, des prises de vues focalisées sur chaque caractère [fig. 10] nous livrent un maximum d’informations de dessin. Il est important de retenir plusieurs occurrences d’un même signe. Tout d’abord parce que certaines informations ne seront pas clairement identifiables sur une image mais apparaîtront de façon nette sur une autre, mais aussi parce que plusieurs occurrences nous permettent de nous assurer d’une intention du graveur.

10. Comparaison du caractère et de sa réhabilitation à l’échelle du signe. Observation de la forme des signes en détail. Parix 111R et son double jeu de capitales romaines et gothiques, Johann Parix, Toulouse, 1475(?). ☞ TW.3:111R
Commence alors une première étape de «rationalisation». Après un premier tri, chaque caractère est fiché et importé dans le gabarit, où apparaissent les principales lignes de repères calculées à partir d’une analyse du caractère: hauteur de capitale, hauteur d’ascendante, hauteur d’œil, ligne de base et ligne de descendante. À noter que la différenciation entre les hauteurs de capitale et d’ascendante ne sont pas encore établies pour les caractères gravés avant le romain d’Alde Manutius et Francesco Griffo. Le gabarit est une sorte de fiche d’identité du caractère, une vue globale de l’objet d’étude.
Ensuite et lorsque le temps nous le permet, nous commençons la pratique par une séance de calligraphie. Enfin nous expliquons aux étudiants quel type de réhabilitation nous voulons. Pour notre cas, il sera question d’être le plus fidèle possible à la source. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est de rendre compte des formes de cette période. Pour être plus précis, nous cherchons à retrouver la forme du poinçon, tout en conservant la texture de l’imprimé, seule source disponible. En comparant plusieurs occurences du même signe, nous retenons le rythme et la graisse du caractère imprimé, sa couleur, tout en tentant de nous affranchir des incidents d’impression sur la forme, comme le surencrage, le maculage ou les ondulations du papier. Pour tous les caractères, les capitales sont fixées sur une même hauteur de 700 unités, cela permettra de les comparer plus facilement.
Toujours dans cette volonté de retranscrire la source au plus près, nous ne retenons que les caractères prélevés. La majorité des textes étant éditée en latin, des lettres comme j k w sont rarement gravées. Celles-ci ont toutefois été dessinés, par référence à des caractères ou modèles calligraphiques de l’époque, aux projets de réhabilitations plus récents des presses privées du XIXe siècle ou par analogie avec des logiques de tracé propres au caractère étudié. Cependant, ce projet répondant avant tout à un travail de chercheurs, les «fictions typographiques» que réprésentent ces ajouts ne sont pas présentées dans nos spécimens.
Retour au workshop, une première étape dans le processus de dessin est de décalquer le contour de la lettre à la main, en se basant sur les images imprimées du gabarit. La plupart des étudiants que nous encadrons n’ont souvent que peu de pratique d’éditeurs de fontes. Le calque est donc une étape importante pour appréhender les formes: il est dans un premier temps plus naturel de tracer à la main que par le positionnement de points. On a souvent constaté que plus le dessin du calque est précis, plus il est aisé pour l’étudiant de le redessiner en vecteurs.
Finalement, il faut présenter le caractère comme un ensemble cohérent. Pour ce faire, nous divisons l’ensemble des signes par petits groupes de quatre ou cinq étudiants (un groupe fera d’abord une partie des capitales, un autre une partie du bas-de-casse, etc.). Après une première réunion commune, le groupe qui traitait des capitales prend le relais sur le bas-de-casse, et ainsi de suite. Ce dispositif permet d’intensifier les échanges, favorise l’analyse collective et donne une vue d’ensemble sur la diversité des formes du caractère.
Le dernier jour, nous exportons une version finale de la fonte et comparons avec celle-ci un paragraphe ou une page entière de l’incunable étudié. Nous pouvons alors apprécier le travail accompli.
Quelque jours plus tard, il sera repris par nos soins. Un document nous est alors très utile pour connaître la totalité du jeu de signes. Chacune de nos références possède une fiche informative consultable sur le site du Typenrepertorium der Wiegendrucke (TW).
Cette base de données est le fruit d’un projet engagé en 1879 par Konrad Haebler, bibliothécaire, historien et incunabiliste allemand dont le transfert numérique est initié au milieu des années 1990 par la Bibliothèque d’État de Berlin et mis en ligne en 2013. On y retrouve à l’heure actuelle plus de 6000 caractères. Leur nom étant inconnu (si toutefois les imprimeurs leur en donnaient), ils sont enregistrés sous une appellation systématique. Prenons comme exemple le caractère étudié à Aix-la-Chapelle, il s’agit du «Type 4: 96G bei Johann Zainer». Le 4 signifie que l’on a affaire au quatrième caractère «utilisé chez» Johann Zainer. Le 96 correspond à la hauteur en millimètres de vingt lignes de texte. Enfin, chaque caractère se voit attribuer les lettres G ou R suivant qu’il soit considéré comme gothique ou romain.
Si nous cherchons à être aussi fidèles que possible, nous gardons à l’esprit que nous avons affaire ici à une transmutation de deux outils qui n’ont rien à voir entre eux. Nos caractères n’ont plus rien de métallique. Là où la gravure du poinçon, la fonte, puis l’impression amènent à des variations du signe au sein d’une même page, le numérique rigidifie, radicalise et assèche fatalement l’ensemble. Il en va de même pour la composition, les lignes imprimées au plomb ne sont jamais aussi parfaitement droites que celles composées sur logiciel de traitement de texte. Aussi, là où l’espace intermot se réglait à l’époque manuellement afin d’équilibrer les lignes et d’avoir une justification la plus harmonieuse possible, c’est aujourd’hui par des réglages informatiques automatisés que nous opérons. L’outil numérique permet ainsi un gain de constance en ce qui concerne les zones d’alignement et la régularité des formes et des blancs (interlettre, intermot, interligne) mais rend en contrepartie difficiles la reproduction de la finesse du travail manuel et les décisions au cas par cas (signe par signe et ligne par ligne) des compositeurs et graveurs. En cela, la conception de nos documents d’étude nous a permis de nous rapprocher de nos sources, mais aussi de rendre compte des différences entre les deux outils. Des versions digitales de caractères du XVe siècle dessinées avec précision sont rares.
Une fois le travail de dessin achevé, un dernier point reste à déterminer. Sous quelle forme présenter, distribuer et archiver ces fontes? Ce projet s’adresse avant tout aux historiens de la typographie, aux incunabilistes, et aux paléographes. Il nous semble donc important que la distribution soit la plus large possible, en open source, sous licence libre. Nous présentons ici une première tentative de réhabilitation de sources peu étudiées, avec pour ambition de retrouver leur forme originale, et il faut que ces productions soit archivées sur une plateforme de partage de fichiers, afin que chacun puisse, à partir du fichier source et documents à l’appui, vérifier et contribuer à la démarche. Lors du téléchargement, chaque fonte est accompagnée de son spécimen, et d’une sélection d’images de la source étudiée.
II. Typologie des premiers caractères, ruptures et filiations
Gothique et romain
La guerre idéologique menée à la Renaissance à l’encontre de qui sera qualifié péjorativement de Moyen Âge touche aussi la typographie. Tout comme en architecture, ou en peinture, une recherche de rationalité et de clarté dans les formes s’affirme, basée sur les préceptes esthétiques de l’Antiquité greco-romaine. Celle-ci débute au XIVe siècle avec des scribes et érudits humanistes qui restaurent les œuvres des classiques tout en élaborant les modèles calligraphiques dit humanistiques. C’est le cas notamment à Florence avec Pétrarque, Boccace, Collucio Salutati, Niccolò Niccoli ou Poggio Bracciollini dont les modèles s’inspirent de la minuscule carolingienne et influencent les proto-typographes de Rome et de Naples, et à Venise et Padoue avec Felice Feliciano et Bartolomeo Sanvito dont les modèles, plutôt inspirés de la gravure et de la capitale romaine, semblent avoir directement influencé les romains vénitiens des frères Spira et de Jenson. Ces modèles préfigurent le romain typographique qui deviendra progressivement hégémonique au cours des siècles suivants.
Au XVe siècle, en parallèle du romain naissant, trois styles gothiques continuent d’être écrits et gravés. La lettre de forme, ou plus communément Textura, en référence au maillage visuel en grille qu’elle produit une fois composée, est haute, condensée, droite, noire, piquante et très ornée. Ses courbes sont brisées selon un angle constant. On en trouve une première version typographique (DK-type) pour les éditions des grammaires de Donatus que Gutenberg imprimait après son retour à Mayence en 1448. La bâtarde tient son nom du compromis formel qui la constitue, entre formalisme rigide et cursivité issue de l’écriture quotidienne. Elle se caractérise notamment par un a à une boucle, qui survivra dans les modèles d’italiques, et par de longs s et f qui s’étirent jusqu’à la descendante. Les premières fontes bâtardes apparaîssent dans les lettres d’indulgence de Mayence en 1454–55. Enfin, le modèle gothique italien Rotunda ou lettre de somme est plutôt utilisé dans le sud de l’Europe. Comme son nom l’indique, c’est un modèle très rond, cursif, aux courtes ascendantes et descendantes, aux fûts alternants entre terminaison droite et sortie calligraphique, avec un a fermé et peu d’ornementations. Le premier caractère Rotunda apparaît chez Ulrich Han pour l’édition du Meditationes vitae Christi à Rome, 1467. Dans cet environnement scriptural, entre modèles gothiques établis et tendances humanistiques, des territoires intermédiaires et dérivatifs sont explorés.
Gotico-Antiqua, proto-romain, hybride
En vue d’une analyse typologique plus approfondie, concentrons-nous à présent sur trois caractères de notre corpus. Outre le fait qu’ils soient issus des trois principaux pays d’investigation (respectivement Allemagne, Italie et France), ils témoignent de différentes attitudes adoptées entre, et au-delà de la dichotomie gothique/romain.
Durandus 118G est le point de départ de notre corpus, et le premier caractère à s’ouvrir sur les écritures humanistiques. Sweynheim & Pannartz 115R est le premier caractère qui manifeste une volonté d’adapter le bas-de-casse à la forme gravée des capitales romaines, et ainsi une prise de distance affirmée par rapport aux modèles manuscrits. Soufflet Vert 106R est un exemple unique d’hybridité sophistiquée, qui brouille et dépasse les frontières stylistiques.
Nous aborderons aussi, en supplément, un caractère de presse privée du XIXe siècle (Hamlet). Ces presses qui se développent en écho au mouvement Arts & Crafts ont de particulier et de commun de manifester une opposition à l’industrialisation des métiers du livre et une fascination spécifique pour la sophistication artisanale des incunables. À l’initiative de William Morris et Emery Walker, des imprimeurs, des graveurs et des bibliophiles revisitent, comme nous avons pu le faire à notre tour, le vivier prototypographique.

11. L'écriture de Pétrarque dans Rerum vulgarium fragmenta (1366–1374) ☞ Vat.lat.3195, 4r., comparée au «Durandus» 118G (numérique) de Fust & Schöffer

12. Vers le romain, de haut en bas, à la même échelle:
Fust & Schöffer «Durandus» 118G (Mainz, 1459, B48) ☞ TW 5:118G;
Sweynheim & Pannartz «Subiaco» 120R (Subiaco, 1465, Lactantius) ☞ TW 1:120R;
Sweynheim & Pannartz 115R (Rome, 1471, Cyprianus) ☞ TW 2:115R;
Valdarfer 110R (Venice, 1470, Cicero) ☞ TW 1:110R.
Courtesy Bayerische Staatsbibliothek München & Biblioteca Statale del Monumento Nazionale di Santa Scolastica, Subiaco.
Fust & Schöffer «Durandus» 118G
En 1459, à Mayence, Peter Schöffer et Johann Fust, qui avaient participé quelques années plus tôt à l’élaboration des tout premiers caractères typographiques avec Gutenberg, mettent au point le Durandus. Son nom est tiré de sa première utilisation pour le Rationale Divinorum Officorum, ouvrage liturgique rédigé par l’ecclésiastique français Guillaume Durand (1230–1296), où sont détaillés les fonctions des offices et les éléments nécessaires à leur célébration. C’est la première fois qu’un caractère aussi petit est gravé (~13 pt), pour un usage quotidien, et pour l’impression d’une quantité impressionnante de différents types d’écrits, religieux, scientifiques, ou vernaculaires. Les capitales sont un carrefour d’influences. On y trouve des initiales gothiques agrémentées d’ornements, notamment pour F G H V, des capitales de style oncial pour E T et un A alternatif, et d’autres au style rustique, la capitale romaine écrite A M Q et R, entre autres. Le bas-de-casse est vraisemblablement basé sur l’écriture de Pétrarque [fig. 11], un modèle d’écriture manifestant un retour à la minuscule carolingienne (tardive) et aussi désigné en paléographie comme Fere-Humanistica—«presque humanistique».
Le jeu de signes est très étendu, avec de nombreuses ligatures et signes diacritiques. On y observe d’ailleurs des variations dans leur dessin, comme dans la ligature ve où la traverse du e s’ajuste sur l’angle d’inclinaison de la diagonale du v. S’y ajoutent des formes alternatives pour le d—un oncial et un droit, et plusieurs pour le g, dont celui en forme de 8 alors nouvelle en typographie et qui restera attachée au style Gotico-Antiqua. Par ailleurs le a ouvert et les capitales rustiques marquent une inclination vers le romain. Enfin, on peut observer un blanc d’interligne plus important que pour les caractères gothiques, dû à la longueur des ascendantes.

13. Fust & Schöffer «Durandus» 118G, 1459 ☞ TW 5:118G
Sweynheim & Pannartz 115R
En 1467, Sweynheim et Pannartz quittent le monastère de Subiaco pour rejoindre Rome, où sont déjà installés d’autres imprimeurs allemands: Ulrich Han et Sixtus Rissinger. Ils établissent leur nouvel atelier dans le palais de Francesco et Pietro de’ Massimi. Là, ils impriment des classiques antiques et latins, tels qu’Hésiode, Pline l’Ancien, Cicéron, Tite-Live, Strabon, ou Virgile, ainsi que des textes religieux comme l’ouvrage étudié ayant servi de source ici, les correspondances de Saint-Cyprien, évêque de Carthage au IIIe siècle.
Baignés plus directement d’humanisme et d’inscriptions antiques dans la capitale italienne, les deux clercs gravent leur second caractère, qui s’oriente davantage vers le type romain. Les empattements sont très marqués sur les capitales et sont pour la première fois reportés sur le bas-de-casse. On les observe notamment sur les ascendantes et descendantes de h p et q, sur le f et le r, et sur les diagonales v et y. La plupart sont bilatéraux et horizontaux: les lettres commencent à se distinguer des modèles calligraphiques, et tendent davantage vers la forme gravée de la capitale romaine. La graisse est amoindrie, la couleur du caractère est claire du fait de proportions relativement larges et d’un interlettrage conséquent. Certaines caractéristiques le retiennent cependant au statut de prototype. Le h rond, l’empattement du m n en sortie et le r brisé sont encore des traces gothiques, et les chasses des capitales, très larges, ne sont pas tout à fait dans le canon romain. Toutes choses qui seront résolues trois ans plus tard à Venise par les frères Spira et Nicolas Jenson.

14. Sweynheim & Pannartz 115R, 1467 ☞ TW 2:115R
Soufflet Vert 106R
En 1470, à la demande du théologien Jean Heynlin, ancien recteur de l’Université de Paris, et prieur de Sorbonne, trois imprimeurs allemands installent un atelier typographique attaché à celle-ci. Michel Friburger, Ulrich Gering et Martin Krantz, qui déménagent ensuite rue Saint-Jacques, à l’enseigne du Soleil d’Or, importent ainsi l’imprimerie en France. Ils forment également les premiers imprimeurs français, et notamment ceux qui s’établissent par la suite à l’enseigne du Soufflet Vert, dans la même rue.
Atelier coopératif composé entre autres de Louis Symonel, Richard Blandin d’Évreux, Jean Symon, et Russangis, le Soufflet Vert est non seulement voisin du Soleil d’Or, mais il suit aussi son programme éditorial. On y imprime de la littérature classique, des traités d’orthographe ou de grammaire, comme celui de Guillaume Tardif, premier livre imprimé contenant des mots français, et des ouvrages religieux, dont l’ouvrage de référence ici, le Manipulus Curatorum ou Manuel du vicaire, rédigé vers 1330 par le prêtre et juriste espagnol Guido de Monte Rochen, destiné à la formation des prêtres et plus précisément à la bonne administration des sacrements.
Si Soufflet Vert 106R tend vers le romain, il conserve toutefois certaines caractéristiques gothiques. On observe tout d’abord dans les capitales de nombreux ajouts décoratifs, notamment par les traverses de A et H, les dessins tout en courbes de E et de G ou encore les épines sur I N. Des parentés formelles sont aussi à noter: M et N sont différents, ainsi que E et F, mais A M T ou encore I et N partagent des particularités. Le bas-de-casse structurellement romain, est cependant étroit et souvent brisé sur les signes a e f n r. Les signes d g h et Z ont des alternatives gothiques, et certains détails, la sortie de boucle de p, la construction de s et de x, l’identifient plus comme appartenant au style gothique. Dans l’ensemble, beaucoup de signes sont ambivalents et rendent impossible une décision ferme pour l’un ou l’autre style.
Datant de 1476, six ans donc après l’apparition du romain de Jenson, ce n’est plus une aspiration romaine, mais bien un caractère qui cherche délibérement à concilier gothique et romain. Il faut aussi souligner que cette hybridation a de particulier de mélanger des inspirations typographiques, et non plus manuscrites.

15. Soufflet Vert 106R, 1475 ☞ TW 1*:106R
Hamlet Cicero et Tertia
Le Hamlet, caractère surnommé Kessler-Blackletter par Edward Johnston, celèbre calligraphe et auteur du caractère, est commandé en 1913 par le comte Harry Kessler pour l’édition d’Hamlet de William Shakespeare par la presse privée de Weimar, la Cranach Presse. Le projet inclut le graveur Eric Gill, Edward Gordon Craig pour des illustrations xylographiques, les conseils d’Emery Walker et Sydney Cockerell, ainsi qu’Edward Prince pour la gravure des poinçons.
Le texte principal est composé en corps 18, et la glose entourant le bloc central, en corps 12. Celui-ci est plus gras, plus large, d’une plus grande hauteur d’x, moins détaillé et contrasté, et davantage interlettré. Les capitales partagent cependant la même graisse pour les deux corps. Un troisième corps, de 10 pt, apparaît ponctuellement pour des commentaires en marge. Quant aux sources d’inspiration, Kessler demande d’abord à Johnston d’observer avec attention le Durandus de Peter Schöffer utilisé pour sa Bible de 1462. Le bas-de-casse s’en rapproche fortement, bien que les capitales soient plutôt proches du caractère que Sweynheim & Pannartz utilisent à Subiaco. Cette diversité de sources n’empêche cependant pas l’harmonie au sein du caractère, bien au contraire.

16. Hamlet Cicero, 1929

17. Hamlet Tertia, 1929
Classifications prototypographiques: objets, méthodes, limites
Nous venons de voir les imprimeurs produire des objets typographiques empreints à la fois de cultures humanistique et gothique. Ces glissements se poursuivent aussi dans les choix de caractères de mise en pages: les textes religieux ou de droit sont traditionnellement composés en gothique, souvent sur deux colonnes, et les auteurs antiques en romain, sur une colonne, mais de nombreux contre-exemples existent.
Tout cela participe de la difficulté de classer ces caractères. Le Typenrepertorium der Wiegendrucke ignore totalement les formes hybrides et ne propose pour l’instant que les mentions G et R, pour gothique et romain. Jérôme Knebusch propose entre ces deux extrêmes, et sur la base des écrits de Harry Carter, Alfred Forbes Johnson et John Boardley, les trois catégories dont nous venons d’analyser les représentants. Gotico-Antiqua, pour les caractères gothiques d’inspiration humanistique majoritairement présents en Allemagne au cours des décennies 1460 et 1470. Proto-romain pour les caractères tendant vers le romain sans en atteindre un modèle tout à fait abouti, et hybride pour les caractères, postérieurs au romain de Jenson, dénotant une intention de mélanger les styles romain et gothique.
Cependant, comme toute classification, celle-ci donne lieu à des interrogations: c’est par exemple le cas pour Cosmographia 140R. Très clair, aux formes majoritairement romaines, mais à la modulation brisée, il entre dans la catégorie des proto-romains. Par contre, la cohérence stylistique du caractère, son degré de finesse, et sa conception tardive (1482) pourraient pousser à l’identifier comme hybride intentionnel. Par ailleurs, chaque groupe contient des éléments aux différences notables. Pour les Gotico-Antiqua, alors que le bas-de-casse humanistique reste stable, les capitales vont du gothique au romain avec tout ce qui peut se trouver entre les deux. Pour les hybrides, diverses directions existent également. Par mélange formel donc pour Cosmographia 140R et Soufflet Vert 106R, mais aussi façon puzzle pour le caractère de Johann Parix, et son double jeu de capitales gothique et romain [fig. 10] ou celui de l’imprimeur anonyme du Postilla Scolastica à Spire, qui alterne signes à dominante gothique et signes à dominante romaine. Pour les proto-romains, c’est une variations de degré vers le romain, de Subiaco à Jenson, qui fait de l’ensemble un vivier pouvant sembler très hétérogène. On peut enfin mentionner l’attitude adoptée par les concepteurs des caractères de presse privée, qui mélangent les références et obtiennent malgré cela des caractères d’une homogénéité remarquable.
En plus de ces difficultés de différenciation entre les styles, une indécision subsiste sur l’identité du premier romain. Certains l’attribuent au caractère de Subiaco de Konrad Sweynheim et Arnold Pannartz, premier à assumer pleinement des formes exclusivement humanistiques (g) et gravées, avec l’introduction de l’empattement bilatéral, et un v non cursif et un s non brisé. D’autres lui préfèrent le caractère vénitien des frères Spira, à empattement bilatéral standardisé, très proche du caractère de Nicolas Jenson et des caractères romains que nous utilisons aujourd’hui, à l’exception du h rond, de quelques excentricités ornementales sur les capitales et des chasses de celles-ci qui ne sont pas tout à fait dans le canon classique. D’autres, enfin, l’attribuent simplement au caractère de Jenson.
Ces désaccords découlent aussi de la multiplicité des méthodes de reconnaissance des caractères. Konrad Haebler fait le choix de se concentrer sur une lettre, le M pour le gothique ou le Q pour le romain. Harry Carter considère deux facteurs: la nature épigraphique de la capitale et l’empattement bilatéral sur le bas-de-casse, pour désigner un romain abouti. On pourrait aussi focaliser l’attention sur une seule lettre ; la lettre g qui ressemble au chiffre huit est trouvée exclusivement dans des caractères Gotico-Antiqua, ou le h droit uniquement dans des romains «purs»—la dernière lettre à changer de structure dans le processus transitionel vers le romain. Les tentatives de classification, loin d’avoir pour objet de sérier de façon rigide notre corpus, sont plutôt pour nous l’occasion de prolonger notre travail d’observation pour faire émerger les directions prises, les singularités, et les liens de parenté entre les types étudiés. Plus que la volonté d’identifier des espaces balisés, c’est la porosité, les juxtapositions et les points d’ambiguité qui nourrissent notre réflexion.
Conclusion
Le premier objectif de notre projet a été de proposer un outil pratique, contemporain et numérique de l’analyse des caractères et de tenter de dépasser nos sources en précision par le dessin. Sans matériel typographique de l’époque et à partir d’impressions de qualités inégales, il est en effet difficile de voir précisément les caractères du XVe siècle. Avec une version numérique de ceux-ci s’ouvre la possibilité de retrouver les formes en détail par de forts agrandissements—les incunables étudiés étant composés en corps allant de 12 à 18 points. Le dessinateur de caractères peut ici aider à la recherche en mettant en œuvre son appréhension pratique. Par ailleurs, cette opération de réhabilitation nous a conduit à faire émerger du lien là où on pouvait habituellement trouver de la distinction: une quasi-identité entre manuscrit et typographie des premiers objets édités et les conséquences engagées sur la forme des lettres et une difficulté à isoler et catégoriser les premiers caractères qui questionnent la séparation entre gothique et romain. Ces appellations ne peuvent que partiellement être attribuées à nos caractères, qui sont essentiellement mêlés d’influences. En ce sens, la classification Gotico-Antiqua, proto-romain, hybride, pour des caractères se trouvant stylistiquement entre gothique et romain, a plutôt valeur indicative des intentions des imprimeurs et doit servir de base de discussion. Par extension, investir ces aires intermédiaires nous a permis de voir que, loin d’évoluer en vases clos, les styles typographiques sont profondément interconnectés. C’est peut-être là le plus grand intérêt que représentent les spécimens de cette période, leurs aspects atypiques dépassent les clivages, et font d’eux les témoins manifestes de leur temps.


18. 1: Fust & Schöffer «Durandus» 118G; 2: Sweynheim & Pannartz «Subiaco» 120R; 3: Sweynheim & Pannartz 115R; 4: Spira 110R; 5: Rot 102R; 6: Rusch «R-Bizarre» 103; 7: Rusch 100G; 8: Soufflet Vert 106R; 9: Parix 111R; 10: Zainer 96G; 11: Ptolemy Great-Primer; 12: Hamlet Cicero; 13: Hamlet Tertia; 14: Jessen Cicero; 15: Jessen Mittel
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Onze ateliers de réhabilitation sont menés en Allemagne, en France et en Italie entre mars 2015 et mai 2018 : Hear Mulhouse, mars 2015 [Ptolemy], ESAD Valence, avril 2016 [Jessen], Hochschule Mainz, juin 2016 [Durandus], HBK Saar, décembre 2016 [Rot], ENSBA Lyon, mars 2017 [Spira], Hochschule Aachen, octobre 2017 [Zainer], Bauhaus-Universität Weimar, janvier 2017 [Hamlet], isdaT Toulouse, février 2018 [Parix], ESAL Metz, avril 2018 [Rusch], ISBA Besançon, mai 2018 [Soufflet Vert], Biblioteca Statale del Monumento Nazionale di Santa Scolastica, Subiaco, mai 2018 [Sweynheim & Pannartz]. →
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À la différence de Ricardo Olocco qui parvient à une précision remarquable, nous ne faisons pas de prise de vue à échelle constante. L'objectif du projet étant de rendre compte du caractère par un dessin d'analyse pour révéler un travail formel que la photographie ne peut pas restituer. →
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«Alde est ainsi l’homme qui donna au romain son nouveau visage. […] Il fut influencé par ‹l’air du temps› qui le portait à un meilleur contraste pleins-déliés, avant d’arriver graduellement à un meilleur équilibre bas-de-casse/capitales par la réduction de la hauteur des secondes par rapport aux ascendantes, pour finir par s’inspirer, avec le Poliphile, des proportions préconisées par Felice Feliciano: la largeur du fût étant contenue dix fois dans la hauteur d’une capitale.» René Ponot dans Yves Perousseaux (dir.), Histoire de l'écriture typographique de Gutenberg au XVIIe siècle, Paris, Atelier Perousseaux, 2005, p.177. →
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L’essai de John Downer Call It What It Is est un bon point de départ en la matière. Downer y énumère différentes approches possibles, le choix se faisant selon les objectifs du projet. John Downer, «Call It What It Is», Rudy VanderLans, Zuzana Licko (dir.), Tribute, Berkeley, Emigre, 2003, p.6-9. ☞ emigre.com/Essays/Type/CallItWhatItIs →
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La hauteur d'x serait une valeur fixe préférable pour une analyse de ce type, mais l'amplitude de variation de celle-ci est trop importante entre les références étudiées et entraîne des contrastes de tailles qui rendent peu évidente une comparaison des proportions. →
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Nous entreprenons ces dessins pendant les ateliers intensifs d'abord par souci pédagogique. L'ajout de caractères non existants dans la source originale permettant d'approfondir certains enjeux de la création typographique, particulièrement en ce qui concerne la recherche de cohérence de dessin d'un ensemble des signes. Les chiffres arabes, eux aussi absent de nos références, ont été exclus en ce qu'ils répondent à des logiques formelles à priori différentes de l'alphabet latin. →
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En workshop, il faut aller vite, beaucoup de petits détails dans le dessin passent à la trappe. Même chose pour les prises photo-graphiques: du fait de la masse importante à prélever, il est fréquent que certains signes n’aient pu être trouvés. Soit parce qu’ils n’étaient pas utilisés dans l’ouvrage étudié, soit parce qu’ils n’apparaissaient que très rarement. →
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Konrad Haebler, Typenrepertorium der Wiegendrucke, vol. 1–5, Halle (Saale)/Leipzig , Rudolf Haupt Verlag, 1905–1924. ☞ tw.staatsbibliothek-berlin.de →
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Attribution incertaine. Une des limites du TW est de répertorier les caractères par association aux ouvrages avec lesquels ils sont composés. Le même caractère peut donc être répertorié plusieurs fois, et attribué à plusieurs imprimeurs sous une appellation différente. Le TW ne prend ainsi pas en compte la circulation des types, poinçons ou matrices, qui font l'objet d'un commerce intense à partir de 1470. Voir à ces sujets Claire Bolton, The Fifiteenth-century Printing Practices of Johann Zainer, The University of Reading, Department of Typography and Communication, mars 2008, et la conférence d'Oliver Duntze, The Incunabilist’s Approach to Typography and the TW, Nancy, ENSAD, 25 avril 2019. ☞ vimeo. com/333787923 →
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Les nombreuses versions des caractères de Jenson et Griffo mises à part, on trouve surtout en ligne des versions auto-trace des caractères du XVe siècle. Ces versions restent imprécisent car elles reposent uniquement sur une reconnaissance du contour imprimé et non sur une étude structurelle et formelle approfondie des sources. →
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On trouve une première trace de ce concept chez Giovanni Andrea Bussi. Humaniste italien, éditeur de classiques antiques, bibliothécaire du pape et grand soutien de Konrad Sweynheim et Arnold Pannartz. Il désigne la période séparant l'Antiquité et la Renaissance de media tempestas—‹saison intermédiaire›—dans une préface à une édition d'Apulée de 1469 (imprimée à Rome par Sweynheim & Pannartz). Voir Massimo Miglio, «Curial Humanism Seen Shrough the Prism of the Papal Library», Angelo Mazzocco (dir.), Interpretations on Renaissance Humanism, Leyde, Brill, 2006, p.112. Voir aussi à ce sujet E.H. Gombrich, «La conquête de la réalité, les débuts du XVe siècle», Gombrich, Histoire de l'Art, Paris, Phaidon, 2006, p.169–183. Première édition anglaise 1950. →
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«Il y a un autre style appelé gothique, dont les éléments décoratifs et les proportions sont très différents des antiques et des modernes. Les bons architectes d’aujourd’hui ne l’emploient pas, ils le fuient comme monstrueux et barbare. […] Ce style fut crée par les Goths. Après avoir ravagé les constructions antiques et tué les architectes dans les guerres, ils élevèrent avec les survivants des édifices de ce style. […] Que Dieu préserve tout pays de cette conception et de cette manière de bâtir.» Georgio Vasari, «Introduction, De l'Architecture», Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Paris, Dorbon-Ainé, 1990, p.38. ☞ archive.org/details/lesviesdesplusex01vasa/page/38/mode/2up →
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Voir à ce sujet G.D. Hargreaves, «Florentine Script, Paduan Script, and Roman Type» in Gutenberg-Jahrbuch, Mayence, Gutenberg-Gesellschaft, 1992, p.15–34. Voir aussi Riccardo Olocco, The Venetian Origins of Roman Type, Bolzano, CAST, 19 décembre 2017. ☞ articles.c-a-s-t.com/the-venetian-origins-of-roman-type-a856eb3f0cb →
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Voir la liste complète en note 1. →
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Cette édition est l’une des plus importante du mouvement des presses privées. Kessler s’entoure des meilleurs artisans anglais, et monte une papeterie en France avec Gaspard Maillol, neveu du peintre Aristide Maillol dont il est le mécène, pour fabriquer son papier MK (pour Maillol & Kessler). L’ouvrage est imprimé en deux couleurs, rouge et noir. Plusieurs années sont nécessaires à la complétion de l’ouvrage, finalement publié en 1929, en 230 exemplaires sur papier MK, 17 sur papier japonais, et 8 sur parchemin. Il fut distribué par Insel Verlag
à Leipzig, English Edition à Londres par Emery Walker, et Random House à New York. Hamlet reçut le prix du plus beau livre allemand en 1929. Le caractère servira ensuite pour les épreuves d’autres ouvrages, demeurés inachevés, comme le Robinson Crusoé de Daniel Defoe. → -
Depuis septembre 2020, sous l'impulsion d'Oliver Duntze, le TW a nuancé sa classification. On y trouve maintenant des sous-groupes pour le gothique—Textura, Bastarda, Rotunda, et Gotico-Antiqua, et pour le romain—Antiqua, cursif, mêlé, et des répertoires différenciés pour le grec, l'hébreux, le cyrillique et le glagolitique. →
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Jérôme Knebusch, «Drôles de types/Strange Types», Marc Monjou (dir.), Azimuts, n°48–49, Le type. Règne, crise et critique, Saint-Étienne, École supérieure d'art et design de Saint-Étienne et Cité du design, 2018, p.112–125 et 244–250. Harry Carter, A View of Early Typography: Up to About 1600. Reprinted with an Introduction by James Mosley, Londres, Hyphen Press, 2002 [1969]. A.F. Johnson, «The Classification of Gothic Types», A.F. Johnson, Selected Essays on Books and Printings, Amsterdam, Van Gendt & Co, 1970 [1929], p.1–17. John Boardley, The First Roman Fonts, ilovetypography.com, avril 2016. ☞ ilove typography.com/2016/04/18/the-first-roman-fonts/ →
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Voir G.D. Hargreaves, «Some Characteristics and Antecedents of the Majuscules in Fifteenth-Century German Gotico-Antiqua Typography», Gutenberg-Jahrbuch, Mayence, Gutenberg-Gesellschaft, 1986, p.162–176. →